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OBSÈQUES DE MADAME LOUIS BLANC.

parler supplée l’ami qui ne sait même plus s’il a encore la force de vivre. Ces douloureux serrements de main au bord des tombes font partie de la destinée humaine.

Madame Louis Blanc fut la compagne modeste d’un illustre exil. Louis Blanc proscrit trouva cette âme. La providence réserve de ces rencontres aux hommes justes ; la vie portée à deux, c’est la vie heureuse. Madame Louis Blanc fut une figure sereine et calme, entrevue dans cette lumière orageuse qui de nos jours se mêle aux renommées. Madame Louis Blanc disparaissait dans le rayonnement de son glorieux mari, plus fière de disparaître que lui de rayonner. Il était sa gloire, elle était sa joie. Elle remplissait la grande fonction obscure de la femme, qui est d’aimer.

L’homme s’efforce, invente, crée, sème et moissonne, détruit et construit, pense, combat, contemple ; la femme aime. Et que fait-elle avec son amour ? Elle fait la force de l’homme. Le travailleur a besoin d’une vie accompagnée. Plus le travailleur est grand, plus la compagne doit être douce.

Madame Louis Blanc avait cette douceur. Louis Blanc est un apôtre de l’idéal ; c’est le philosophe dans lequel il y a un tribun, c’est le grand orateur, c’est le grand citoyen, c’est l’honnête homme belligérant, c’est l’historien qui creuse dans le passé le sillon de l’avenir. De là une vie insultée et tourmentée. Quand Louis Blanc, dans sa lutte pour le juste et pour le vrai, en proie à toutes les haines et à tous les outrages, avait bien employé sa journée et bien fait dans la tempête son fier travail d’esprit combattant, il se tournait vers cette humble et noble femme, et se reposait dans son sourire. (Sensation.)

Hélas ! elle est morte.

Ah ! vénérons la femme. Sanctifions-la. Glorifions-la. La femme, c’est l’humanité vue par son côté tranquille ; la femme, c’est le foyer, c’est la maison, c’est le centre des pensées paisibles. C’est le tendre conseil d’une voix innocente au milieu de tout ce qui nous emporte, nous cour-