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L’EXPOSITION DE PHILADELPHIE.

Citoyens, en affirmant ces vérités, je vous sens d’accord avec moi. Ce que j’ai à vous dire, vous le devinez d’avance ; car vos consciences et la mienne se pénètrent et se mêlent ; c’est ma pensée qui est dans votre cœur et c’est votre parole qui est dans ma bouche.

Hommes de Paris, c’est avec une émotion profonde que je vous parle. Vous êtes les initiateurs du progrès. Vous êtes le peuple des peuples. Après avoir repoussé l’invasion militaire, qui est la barbarie, vous allez accepter chez vous et porter chez les autres l’invasion industrielle, qui est la civilisation. Après avoir bravement fait la guerre, vous allez faire magnifiquement la paix. (Applaudissements répétés.) Vous êtes la vaillante jeunesse de l’humanité nouvelle. La vieillesse a le droit de saluer la jeunesse. Laissez-moi vous saluer. Laissez celui qui s’en va souhaiter la bienvenue à vous qui arrivez. (Mouvement.) Non, je ne me lasserai pas de vous rendre témoignage. J’ai été dix-neuf ans absent ; j’ai passé ces dix-neuf années dans l’isolement de la mer, en contemplation devant les héroïques et sublimes spectacles de la nature, et, quand il m’a été donné enfin de revenir dans mon pays, quand je suis sorti de la tempête des flots pour rentrer dans la tempête des hommes, j’ai pu comparer à la grandeur de l’océan devant l’ouragan et le tonnerre la grandeur de Paris devant l’ennemi. (Longs applaudissements.) De là mon orgueil quand je suis parmi vous. Hommes de Paris, femmes de Paris, enfants de Paris, soyez glorifiés et remerciés par le solitaire en cheveux blancs ; il a partagé vos épreuves, et dans ses angoisses vos âmes ont secouru son âme ; il vous sert depuis quarante ans, et il est heureux d’user ses dernières forces à vous servir encore ; il rend grâces à la destinée qui lui a accordé un moment suprême pour vous seconder et vous défendre, et qui lui a permis de faire pour cela une halte entre l’exil et la tombe. (Profonde sensation. Vive Victor Hugo !)

Citoyens, nous sommes dans la voie juste, continuons. Persévérer, c’est vaincre. Ô peuple calomnié et méconnu,