Page:Hugo - Actes et paroles - volume 6.djvu/130

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
120
DEPUIS L’EXIL. — PARIS.

l’autre radieux, l’un faux, l’autre vrai, le choix de l’avenir est fait.

L’avenir départagera l’Allemagne et la France ; il rendra à l’une sa part du Danube, à l’autre sa part du Rhin, et il fera à toutes deux ce don magnifique, l’Europe, c’est-à-dire la grande république fédérale du continent.

Les rois s’allient pour se combattre et font entre eux des traités de paix qui aboutissent à des cas de guerre ; de là ces monstrueuses ententes des forces monarchiques contre tous les progrès sociaux, contre la Révolution française, contre la liberté des peuples. De là Wellington et Blucher, Pitt et Cobourg ; de là ce crime, dit la Sainte-Alliance ; qui dit alliance de rois dit alliance de vautours. Cette fraternité fratricide finira ; et à l’Europe des Rois-Coalisés succédera l’Europe des Peuples-Unis.

Aujourd’hui ? non. Demain ? oui.

Donc, ayons foi et attendons l’avenir.

Pas de paix jusque-là. Je le dis avec douleur, mais avec fermeté.

La France démembrée est une calamité humaine. La France n’est pas à la France, elle est au monde ; pour que la croissance humaine soit normale, il faut que la France soit entière ; une province qui manque à la France, c’est une force qui manque au progrès, c’est un organe qui manque au genre humain ; c’est pourquoi la France ne peut rien concéder de la France. Sa mutilation mutile la civilisation.

D’ailleurs il y a des fractures partout, et en ce moment vous en entendez une crier, l’Herzégovine. Hélas ! aucun sommeil n’est possible avec des plaies comme celles-ci : la Pologne, la Crète, Metz et Strasbourg, et après des affronts comme ceux-ci : l’empire germanique rétabli en plein dix-neuvième siècle, Paris violé par Berlin, la ville de Frédéric II insultant la ville de Voltaire, la sainteté de la force et l’équité de la violence proclamées, le progrès souffleté sur la joue de la France. On ne met point la paix là-dessus.