Être gênant au tyran plaît aux fières âmes. (Sensation.) Il y a de l’élection dans la proscription. Être proscrit, c’est être choisi par le crime pour représenter le droit. (Acclamations. — Cris de : Vive la république ! vive Victor Hugo !) Le crime se connaît en vertu ; le proscrit est l’élu du maudit. Il semble que le maudit lui dise : Sois mon contraire. De là une fonction.
Cette fonction, Quinet l’a superbement remplie. Il a dignement vécu dans cette ombre tragique de l’exil où Louis Blanc a rayonné, où Barbès est mort. (Profonde émotion.)
Ne plaignez pas ces hommes ; ils ont fait le devoir. Être la France hors de France, être vaincu et pourtant vainqueur, souffrir pour ceux qui croient prospérer, féconder la solitude insultée et saine du proscrit, subir utilement la nostalgie, avoir une plaie qu’on peut offrir à la patrie, adorer son pays accablé et amoindri, en avoir d’autant plus l’orgueil que l’étranger veut en avoir le dédain (applaudissements), représenter, debout, ce qui est tombé, l’honneur, la justice, le droit, la loi ; oui, cela est bon et doux, oui, c’est le grand devoir, et à qui le remplit qu’importe la souffrance, l’isolement, l’abandon ! Avec quelle joie, pour servir son pays de cette façon austère, on accepte, pendant dix ans, pendant vingt ans, toute la vie, la confrontation sévère des montagnes ou la sinistre vision de la mer ! (Sensation profonde.)
Adieu, Quinet. Tu as été utile et grand. C’est bien, et ta vie a été bonne. Entre dans toutes les mémoires, ombre vénérable. Sois aimé du peuple que tu as aimé.
Adieu.
Un dernier mot.
La tombe est sévère. Elle nous prend ce que nous aimons, elle nous prend ce que nous admirons. Qu’elle nous serve du moins à dire les choses nécessaires. Où la parole sera-t-elle haute et sincère si ce n’est devant la mort ? Profitons de notre douleur pour jeter des clartés dans les