L’œuvre d’Edgar Quinet est illustre et vaste. Elle a le double aspect, ce qu’on pourrait appeler le double versant, politique et littéraire, et par conséquent la double utilité dont notre siècle a besoin ; d’un côté le droit, de l’autre l’art ; d’un côté l’absolu, de l’autre l’idéal.
Au point de vue purement littéraire, elle charme en même temps qu’elle enseigne ; elle émeut en même temps qu’elle conseille. Le style d’Edgar Quinet est robuste et grave, ce qui ne l’empêche pas d’être pénétrant. On ne sait quoi d’affectueux lui concilie le lecteur. Une profondeur mêlée de bonté fait l’autorité de cet écrivain. On l’aime. Quinet est un de ces philosophes qui se font comprendre jusqu’à se faire obéir. C’est un sage parce que c’est un juste.
Le poëte en lui s’ajoutait à l’historien. Ce qui caractérise les vrais penseurs, c’est un mélange de mystère et de clarté. Ce don profond de la pensée entrevue, Quinet l’avait. On sent qu’il pense, pour ainsi dire, au delà même de la pensée. (Mouvement.) Tels sont les écrivains de la grande race.
Quinet était un esprit ; c’est-à-dire un de ces êtres pour qui la vieillesse n’est pas, et qui s’accroissent par l’accroissement des années. Ainsi ses dernières œuvres sont les plus belles. Ses deux ouvrages les plus récents, la Création et l’Esprit nouveau, offrent au plus haut degré ce double caractère actuel et prophétique qui est le signe des grandes œuvres. Dans l’un et dans l’autre de ces ouvrages, il y a la Révolution qui fait les livres vivants, et la poésie qui fait les livres immortels. (Bravos.) C’est ainsi qu’un écrivain existe à la fois pour le présent et pour l’avenir.
Il ne suffit pas de faire une œuvre, il faut en faire la preuve. L’œuvre est faite par l’écrivain, la preuve est faite par l’homme. La preuve d’une œuvre, c’est la souffrance acceptée.
Quinet a eu cet honneur, d’être exilé, et cette grandeur, d’aimer l’exil. Cette douleur a été pour lui la bienvenue.