Page:Hugo - Actes et paroles - volume 6.djvu/122

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
112
DEPUIS L’EXIL. — PARIS.

glotaient dans la surdité publique, l’accablement des pénalités était inexprimable ; ces mœurs ne sont plus les nôtres. Aujourd’hui, la pitié existe ; l’écrasement de ce qui est dans l’ombre répugne à une société qui ne marche plus qu’en avant ; on comprend mieux le grand devoir fraternel ; on sent le besoin, non d’extirper, mais d’éclairer. Du reste, disons-le, c’est une erreur de croire que la révolution a pour résultat l’amoindrissement de l’énergie sociale ; loin de là, qui dit société libre dit société forte. La magistrature peut se transformer, mais pour croître en dignité et en justice ; l’armée peut se modifier, mais pour grandir en honneur. La puissance sociale est une nécessité ; l’armée et la magistrature sont une vaste protection ; mais qui doit-on protéger d’abord ? Ceux qui ne peuvent se protéger eux-mêmes ; ceux qui sont en bas, ceux sur qui tout pèse ; ceux qui ignorent, ceux qui souffrent. Oui, codes, chambres, tribunaux, cet ensemble est utile ; oui, cet ensemble est bon et beau, à la condition que toute cette force ait pour loi morale un majestueux respect des faibles.

Autrefois, il n’y avait que les grands, maintenant il y a les petits.

Je me résume.

On n’a pas fusillé le maréchal de France ; fusillera-t-on le soldat ?

Je le répète, cela est impossible.

J’eusse intercédé pour Bazaine, j’intercède pour Blanc.

J’eusse demandé la vie du misérable, je demande la vie du malheureux.

Si l’on veut savoir de quel droit j’interviens dans cette douloureuse affaire, je réponds : De l’immense droit du premier venu. Le premier venu, c’est la conscience humaine.


Le 26 février 1875, Victor Hugo publia cette réclamation, et attendit.

En 1854, quand Victor Hugo, proscrit, était intervenu pour le