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DEPUIS L’EXIL. — PARIS.

vaincre, il s’était laissé battre ; il tenait une forteresse, la plus forte de l’Europe, il l’avait donnée ; il avait des drapeaux, les plus fiers drapeaux de l’histoire, il les avait livrés ; il commandait une armée, la dernière qui restât à l’honneur national, il l’avait garrottée et offerte aux coups de plat de sabre des allemands ; il avait envoyé, prisonnière de guerre, aux casemates de Spandau et de Magdebourg, la gloire de la France, les bras liés derrière le dos ; pouvant sauver son pays, il l’avait perdu ; en livrant Metz, la cité vierge, il avait livré Paris, la ville héroïque ; cet homme avait assassiné la patrie.

Le haut conseil de guerre a jugé qu’il méritait la mort, et a déclaré qu’il devait vivre.

En faisant cela, qu’a fait le conseil de guerre ? je le répète, il a aboli dans l’armée la peine de mort.

Il a décidé que désormais ni la trahison, ni la désertion à l’ennemi, ni le parricide, car tuer sa patrie, c’est tuer sa mère, ne seraient punis de mort.

Le conseil de guerre a bien fait ; et nous le félicitons hautement.

Certes, bien des raisons pouvaient conseiller à ces sages et vaillants officiers le maintien de la peine de mort militaire. Il y a une guerre dans l’avenir ; pour cette guerre il faut une armée ; pour l’armée il faut la discipline ; la plus haute des disciplines, c’est la loyauté ; la plus inviolable des subordinations, c’est la fidélité au drapeau ; le plus monstrueux des crimes, c’est la félonie. Qui frappera-t-on si ce n’est le traître ? quel soldat sera puni si ce n’est le général ? qui sera foudroyé par la loi si ce n’est le chef ? Où est l’exemple s’il n’est en haut ? Ces juges se sont dit tout cela ; mais ils ont pensé, et nous les en louons, que l’exemple pouvait se faire autrement ; que le moment était venu de remplacer dans le code de l’armée l’intimidation par un sentiment plus digne du soldat, de relever l’idéal militaire, et de substituer à la question de la vie la question de l’honneur.

Profond progrès d’où sortira, pour les besoins du pro-