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DEPUIS L’EXIL. — PARIS.

et s’en inquiètent. De là un malaise universel. Comme je l’ai dit à Bordeaux, à partir du traité de Paris, l’insomnie du monde a commencé.

Le monde ne peut accepter la diminution de la France. La solidarité des peuples, qui eût fait la paix, fera la guerre. La France est une sorte de propriété humaine. Elle appartient à tous, comme autrefois Rome, comme autrefois Athènes. On ne saurait trop insister sur ces réalités. Voyez comme la solidarité éclate. Le jour où la France a dû payer cinq milliards, le monde lui en a offert quarante-cinq. Ce fait est plus qu’un fait de crédit, c’est un fait de civilisation. Après les cinq milliards payés, Berlin n’est pas plus riche et Paris n’est pas plus pauvre. Pourquoi ? Parce que Paris est nécessaire et que Berlin ne l’est pas. Celui-là seul est riche qui est utile.

En écrivant ceci, je ne me sens pas français, je me sens homme.

Voyons sans illusion comme sans colère la situation telle qu’elle est. On a dit : Delenda Carthago ; il faut dire : Servanda Gallia.

Quand une plaie est faite à la France, c’est la civilisation qui saigne. La France diminuée, c’est la lumière amoindrie. Un crime contre la France a été commis ; les rois ont fait subir à la France toute la quantité de meurtre possible contre un peuple. Cette mauvaise action des rois, il faut que les rois l’expient, et c’est de là que sortira la guerre ; et il faut que les peuples la réparent, et c’est de là que sortira la fraternité. La réparation, ce sera la fédération. Le dénoûment, le voici : États-Unis d’Europe. La fin sera au peuple, c’est-à-dire à la Liberté, et à Dieu, c’est-à-dire à la Paix.

Espérons.

Chers concitoyens de la patrie universelle, recevez mon salut cordial.

Victor Hugo.