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DEPUIS L’EXIL. — PARIS.

souvenez-vous ? Vous ne pouvez avoir oublié Lausanne, où vous avez laissé, vous personnellement, un tel souvenir. Je ne vous avais jamais vu, je vous entendais pour la première fois, j’étais charmé. Quelle loyale, vive et ferme parole ! laissez-moi vous le dire. Vous vous êtes montré à Lausanne un vrai et solide serviteur du peuple, connaissant à fond les questions, socialiste et républicain, voulant le progrès, tout le progrès, rien que le progrès, et voulant cela comme il faut le vouloir ; avec résolution, mais avec lucidité.

En ce moment-ci, soit dit en passant, j’irais plus loin que vous, je le crois, dans le sens des aspirations populaires, car le problème s’élargit et la solution doit s’agrandir. Mais vous êtes de mon avis et je suis absolument du vôtre sur ce point que, tant que la Prusse sera là, nous ne devons songer qu’à la France. Tout doit être ajourné. À cette heure pas d’autre ennemi que l’ennemi. Quant à la question sociale, c’est un problème insubmersible, et nous la retrouverons plus tard. Selon moi, il faudra la résoudre dans le sens à la fois le plus sympathique et le plus pratique. La disparition de la misère, la production du bien-être, aucune spoliation, aucune violence, le crédit public sous la forme de monnaie fiduciaire à rente créant le crédit individuel, l’atelier communal et le magasin communal assurant le droit au travail, la propriété non collective, ce qui serait un retour au moyen âge, mais démocratisée et rendue accessible à tous, la circulation, qui est la vie décuplée, en un mot l’assainissement des hommes par le devoir combiné avec le droit ; tel est le but. Le moyen, je suis de ceux qui croient l’entrevoir. Nous en causerons.

Ce qui me plaît en vous, c’est votre haute et simple raison. Les hommes tels que vous sont précieux. Vous marcherez un peu plus de notre côté, parce que votre cœur le voudra, parce que votre esprit le voudra, et vous êtes appelé à rendre aux idées et aux faits de très grands services.