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PARIS ET ROME.

Une échelle ! L’effraction fut essayée, mais ne put disloquer la doublure de fer des volets du rez-de-chaussée. On s’efforça de crocheter la porte ; il y eut un gros verrou qui résista. L’un des enfants, la petite fille, était malade ; elle pleurait, l’aïeul l’avait prise dans ses bras ; une pierre lancée à l’aïeul passa près de la tête de l’enfant. Les femmes étaient en prière ; la jeune mère, vaillante, montée sur le vitrage d’une serre, appelait au secours ; mais autour de la maison en danger la surdité était profonde, surdité de terreur, de complicité peut-être. Les femmes avaient fini par remettre dans leurs berceaux les deux enfants effrayés, et l’aïeul, assis près d’eux, tenait leurs mains dans ses deux mains ; l’aîné, le petit garçon, qui se souvenait du siége de Paris, disait à demi-voix, en écoutant le tumulte sauvage de l’attaque : C’est des prussiens. Pendant deux heures les cris de mort allèrent grossissant, une foule effrénée s’amassait dans la place. Enfin il n’y eut plus qu’une seule clameur : Enfonçons la porte !

Peu après que ce cri fut poussé, dans une rue voisine, deux hommes portant une longue poutre, propre à battre les portes des maisons assiégées, se dirigeaient vers la place des Barricades, vaguement entrevus comme dans un crépuscule de la Forêt-Noire.

Mais en même temps que la poutre le soleil arrivait ; le jour se leva. Le jour est un trop grand regard pour de certaines actions ; la bande se dispersa. Ces fuites d’oiseaux de nuit font partie de l’aurore.

V

Quel est le but de ce double récit ? le voici : mettre en regard deux façons différentes d’agir, résultant de deux éducations différentes.