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PARIS ET ROME.

ne fut remué, si ce n’est un berceau. La maîtresse de la maison avait eu la superstition maternelle de conserver à côté de son lit le berceau de son dernier enfant. Un des plus farouches de ces déguenillés s’approcha et poussa doucement le berceau, qui sembla pendant quelques instants balancer un enfant endormi.

Et cette foule s’arrêta et regarda ce bercement avec un sourire.

À l’extrémité de l’appartement était le cabinet du maître de la maison, ayant une issue sur l’escalier de service. De chambre en chambre ils y arrivèrent.

Le chef fit ouvrir l’issue, car, derrière les premiers arrivés, la légion des combattants maîtres de la place encombrait tout l’appartement, et il était impossible de revenir sur ses pas.

Le cabinet avait l’aspect d’une chambre d’étude d’où l’on sort et où l’on va rentrer. Tout y était épars, dans le tranquille désordre du travail commencé. Personne, excepté le maître de la maison, ne pénétrait dans ce cabinet ; de là une confiance absolue. Il y avait deux tables, toutes deux couvertes des instruments de travail de l’écrivain. Tout y était mêlé, papiers et livres, lettres décachetées, vers, prose, feuilles volantes, manuscrits ébauchés. Sur l’une des tables étaient rangés quelques objets précieux ; entre autres la boussole de Christophe Colomb, portant la date 1489 et l’inscription la Pinta.

Le chef, Gobert, s’approcha, prit cette boussole, l’examina curieusement, et la reposa sur la table en disant :

— Ceci est unique. Cette boussole a découvert l’Amérique.

À côté de cette boussole, on voyait plusieurs bijoux, des cachets de luxe, un en cristal de roche, deux en argent, et un en or, joyau ciselé par le merveilleux artiste Froment-Meurice.

L’autre table était haute, le maître de la maison ayant l’habitude d’écrire debout.