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NOTES.

m’importait de rechercher, mais le soin de dérober ma tête aux fureurs de la réaction m’a empêché jusqu’ici de le faire.

Sans attendre mes explications, plusieurs de mes amis ont pris ma défense dans la presse française et étrangère ; je crois pourtant devoir profiter du premier instant de tranquillité pour vous fournir quelques détails qui achèveront de dissiper vos doutes, si vous en avez encore.

Le Journal officiel de la Commune du 20 mai contient le rapport ci-dessous que je transcris rigoureusement :

« le citoyen johannard. — Je demande la parole pour une communication. Je me suis rendu hier au poste qu’on m’a fait l’honneur de me confier. On s’est battu toute la nuit. La présence d’un membre de la Commune a produit la meilleure influence parmi les combattants. — Je ne serais peut-être pas venu sans un fait très important, dont je crois de mon devoir de vous rendre compte.

On avait mis la main sur un garçon qui passait pour un espion, — toutes les preuves étaient contre lui et il a fini par avouer lui-même qu’il avait reçu de l’argent et qu’il avait fait passer des lettres aux Versaillais. — J’ai déclaré qu’il fallait le fusiller sur-le-champ. — Le général La Cécilia et les officiers d’état-major étant du même avis, il a été fusillé à midi.

Cet acte m’ayant paru grave, j’ai cru de mon devoir d’en donner communication à la Commune et je dirai qu’en pareil cas j’agirai toujours de même. »

Vrai quant au fond, ce récit renferme cependant deux inexactitudes : La première, c’est que l’individu que Johannard appelle un garçon était un jeune homme de vingt-deux à vingt-trois ans ; la seconde, c’est qu’il n’aurait pas suffi de l’avis de Johannard pour me déterminer à ordonner, conformément aux lois de la guerre, l’exécution d’un espion. Le rapport que j’ai adressé à ce sujet au délégué de la guerre témoigne que la sentence fut prononcée après toutes les formalités d’usage en pareille circonstance.

Néanmoins j’ai réfléchi que les paroles attribuées à Johannard par l’Officiel ne vous permettaient pas de conclure que l’espion fusillé par mon ordre était un enfant de quinze ans.

J’ai donc continué mes recherches et j’ai fini par trouver que certains journaux belges, entre autres l’Écho du Parlement, avaient, en reproduisant le compte rendu de l’Officiel, eu le soin d’ajouter que la victime de ma férocité était un enfant de quinze ans.

Or, je n’ai pas besoin de vous le dire, à cette assertion j’oppose le démenti le plus formel.

Et pour vous, monsieur, comme pour tous ceux qui me connaissent, mon affirmation suffira, car, je le dis avec orgueil, si l’on fouille dans ma vie, on trouvera que je n’ai rien à me reprocher, pas même une faiblesse, pas même une capitulation de conscience.