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DEPUIS L’EXIL. — BRUXELLES.

allemand ; je ne comprenais pas les paroles, mais je comprenais le chant. Il me semblait que j’en avais une traduction dans l’âme. J’écoutais ce grand dialogue d’un archange avec une multitude ; ce respectueux chuchotement des peuples répondant aux divines explications d’un génie. Il y avait comme un frémissement d’ailes dans la vibration auguste de la voix solitaire. C’était plus qu’un verbe humain. C’était comme une voix de la forêt, de la nature et de la nuit donnant à l’homme, à tous les hommes, hélas ! épuisés de fatigue, accablés de rancunes et de vengeances, saturés de guerre et de haine, les grands conseils de la sérénité éternelle.

Et au-dessus de tous les fronts inclinés, au milieu de tous nos deuils, de toutes nos plaies, de toutes nos inimitiés, cela venait du ciel, et c’était l’immense reproche de l’amour.

Amis, la musique est une sorte de rêve. Elle propose à la pensée on ne sait quel problème mystérieux. Vous êtes venus à moi chantant ; ce que vous avez chanté je le parle. Vous m’avez apporté cette énigme, l’Harmonie, et je vous en donne le mot : Fraternité.

Mes amis, emplissons nos verres. Au-dessus des empereurs et des rois, je bois à l’harmonie des peuples et à la fraternité des hommes.