Page:Hugo - Actes et paroles - volume 5.djvu/169

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
159
L’INCIDENT BELGE.

Mais cette lettre serait-elle une désobéissance aux lois ?

Il faut, en réalité, ou ne l’avoir pas lue ou ne la point comprendre pour soutenir cette interprétation.

Il vous a dit qu’il soutiendrait jusqu’au dernier moment et par sa présence et par sa parole celui qui serait son hôte : « Une faiblesse protégeant l’autre. »

Qu’au premier abord on puisse se tromper sur la portée de cette lettre, qu’un illettré y voie une attaque à nos lois, je le comprends ; mais qu’un ministère, parmi lequel nous avons l’honneur de compter un académicien, ne comprenne pas l’image et le style du grand poëte, c’est ce que je ne puis admettre.

Est-ce un crime ? Qui oserait le dire ?

Vous avez donc commis une grande faute en proscrivant Victor Hugo.

Il vous disait : « Je ne me crois pas étranger en Belgique. » Je suis heureux de lui dire de cette tribune qu’il ne s’est pas trompé et qu’il n’est étranger que pour les hommes du gouvernement.

À mon tour, s’il me demandait asile, je serais heureux et fier de le lui offrir.

En terminant, je rends hommage à la presse entière qui a énergiquement blâmé l’acte du gouvernement.

Voix à droite : Pas tout entière.

m. defuissaux. — Je parle bien entendu de la presse libérale et non de la presse catholique.

Je dis qu’elle a fait acte de générosité et de courage, le pays doit s’en féliciter ; par elle, les libéraux sauront résister à la réaction et au despotisme qui menacent la France et, quel que soit le sort de nos malheureux voisins, conserver et développer nos institutions et nos libertés.

Je propose, en conséquence, l’ordre du jour suivant :

« La Chambre, regrettant la mesure rigoureuse dont Victor Hugo a été l’objet, passe à l’ordre du jour. »

m. cornesse, ministre de la justice — L’honorable préopinant nous a reproché d’avoir toléré des menées bonapartistes. Je proteste contre cette accusation. Nous avons accordé aux victimes du régime impérial l’hospitalité large et généreuse que la Belgique n’a refusée à aucune des victimes des révolutions qui ont si tristement marqué dans ces dernières années l’histoire d’un pays voisin.

J’ai été étonné d’entendre M. Defuisseaux, qui critique l’acte que le gouvernement a posé ces jours derniers, blâmer la géné-