Page:Hugo - Actes et paroles - volume 5.djvu/143

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
133
LES DEUX TROPHÉES.

Du lointain idéal éclaire le chemin,
Et qu’il ait au front l’astre et l’épée à la main !

Respect à nos soldats ! Rien n’égalait leurs tailles ;
La Révolution gronde en leurs cent batailles ;
La Marseillaise, effroi du vieux monde obscurci,
S’est faite pierre là, s’est faite bronze ici ;
De ces deux monuments sort un cri : Délivrance !

*

Quoi ! de nos propres mains nous achevons la France !
Quoi ! c’est nous qui faisons cela ! nous nous jetons
Sur ce double trophée envié des teutons,
Torche et massue aux poings, tous à la fois, en foule !
C’est sous nos propres coups que notre gloire croule !
Nous la brisons, d’en haut, d’en bas, de près, de loin,
Toujours, partout, avec la Prusse pour témoin !
Ils sont là, ceux à qui fut livrée et vendue
Ton invincible épée, ô patrie éperdue !
Ils sont là, ceux par qui tomba l’homme de Ham !
C’est devant Reichshoffen qu’on efface Wagram !
Marengo raturé, c’est Waterloo qui reste.
La page altière meurt sous la page funeste ;
Ce qui souille survit à ce qui rayonna ;
Et, pour garder Forbach, on supprime Iéna !
Mac-Mahon fait de loin pleuvoir une rafale
De feu, de fer, de plomb, sur l’arche triomphale.
Honte ! un drapeau tudesque étend sur nous ses plis,
Et regarde Sedan souffleter Austerlitz !
Où sont les Charentons, France ? où sont les Bicêtres ?
Est-ce qu’ils ne vont pas se lever, les ancêtres,
Ces dompteurs de Brunswick, de Cobourg, de Bouillé,
Terribles, secouant leur vieux sabre rouillé,