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PARIS ET ROME.

Institut, juin 1841) par un conseil de résistance et se termine (tome III, Sénat, mai 1876) par un conseil de clémence. Résistance aux tyrans, clémence aux vaincus. C’est là en effet toute la loi de la conscience. Trente-cinq années séparent dans ce livre le premier conseil du second ; mais le double devoir qu’ils imposent est indiqué, accepté et pratiqué dans toutes les pages de ces trois volumes.

L’auteur n’a plus qu’une chose à faire : continuer et mourir.

Il a quitté son pays le 11 décembre 1851 ; il y est revenu le 5 septembre 1870.

À son retour, il a trouvé l’heure plus sombre et le devoir plus grand que jamais.

II

La patrie a cela de poignant qu’en sortir est triste, et qu’y rentrer est quelquefois plus triste encore. Quel proscrit romain n’eût mieux aimé mourir comme Brutus que voir l’invasion d’Attila ? Quel proscrit français n’eût préféré l’exil éternel à l’effondrement de la France sous la Prusse, et à l’arrachement de Metz et de Strasbourg ?

Revenir dans son foyer natal le jour des catastrophes ; être ramené par des événements qui vous indignent ; avoir longtemps appelé la patrie dans sa nostalgie et se sentir insulté par la complaisance du destin qui vous exauce en vous humiliant ; être tenté de souffleter la fortune qui mêle un vol à une restitution ; retrouver son pays, dulces Argos, sous les pieds de deux empires, l’un en triomphe, l’autre en déroute ; franchir la frontière sacrée à l’heure où l’étranger la viole ; ne pouvoir que baiser la terre en pleurant ; avoir à peine la force de crier : France ! dans