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DEPUIS L’EXIL. — BRUXELLES.

Verser, mêler, après septembre et février,
Le sang du paysan, le sang de l’ouvrier,
Sans plus s’en soucier que de l’eau des fontaines !
Les latins contre Rome et les grecs contre Athènes !
Qui donc a décrété ce sombre égorgement ?
Si quelque prêtre dit que Dieu le veut, il ment !
Mais quel vent souffle donc ? Quoi ! pas d’instants lucides ?
Se retrouver héros pour être fratricides ?
Horreur !


HorreurMais voyez donc, dans le ciel, sur vos fronts,
Flotter l’abaissement, l’opprobre, les affronts !
Mais voyez donc là-haut ce drapeau d’ossuaire,
Noir comme le linceul, blanc comme le suaire ;
Pour votre propre chute ayez donc un coup d’œil ;
C’est le drapeau de Prusse et le drapeau du deuil !
Ce haillon insolent, il vous a sous sa garde.
Vous ne le voyez pas ; lui, sombre, il vous regarde ;
Il est comme l’Égypte au-dessus des hébreux,
Lourd, sinistre, et sa gloire est d’être ténébreux.
Il est chez vous. Il règne. Ah ! la guerre civile.
Triste après Austerlitz, après Sedan est vile !


Aventure, hideuse ! ils se sont décidés
À jouer la patrie et l’avenir aux dés !
Insensés ! n’est-il pas de choses plus instantes
Que d’épaissir autour de ce rempart vos tentes !
Recommencer la guerre ayant encore au flanc,
Ô Paris, ô lion blessé, l’épieu sanglant !
Quoi ! se faire une plaie avant de guérir l’autre !
Mais ce pays meurtri de vos coups, c’est le vôtre !
Cette mère qui saigne est votre mère ! Et puis,
Les misères, la femme et l’enfant sans appuis,
Le travailleur sans pain, tout l’amas des problèmes