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MORT DE CHARLES HUGO.

les clairons ont sonné, les tambours ont battu aux champs, et le drapeau a salué.

« Ç’a été la même chose sur tout le parcours. Rien n’était touchant comme de voir, sur le canal, dans les rues et le long du boulevard, tous les postes accourir, et, spontanément, sans mot d’ordre, rendre hommage à quelqu’un qui n’était ni le chef du pouvoir exécutif ni le président de l’Assemblée et qui n’avait qu’une autorité morale. Cet hommage était aussi intelligent que cordial ; quelques cris de Vive la République ! et de Vive Victor Hugo ! échappés involontairement, étaient vite contenus par le respect de l’immense malheur qui passait.

« Çà et là on entrevoyait des barricades. Et ceux qui les gardaient, venaient, eux aussi, présenter les armes à cette gloire désespérée. Et on ne pouvait s’empêcher de se dire que ce peuple de Paris si déférent, si bon, si reconnaissant, était celui dont les calomnies réactionnaires font une bande de pillards !

« À la porte du cimetière et autour du tombeau, la foule était tellement compacte qu’il était presque impossible de faire un pas.

« Enfin on a pu arriver au caveau où dormaient déjà le général Hugo, la mère de Victor Hugo et son frère Eugène. Le cercueil a pris la quatrième et dernière place, celle que Victor Hugo s’était réservée, ne prévoyant pas que le fils s’en irait avant le père ! »


Deux discours ont été prononcés. Le premier par M. Auguste Vacquerie. Nous en avons retenu les passages suivants :

« Citoyens,

« Dans le groupe de camarades et de frères que nous étions, le plus robuste, le plus solide, le plus vivant était celui qui est mort le premier. Il est vrai que Charles Hugo n’a pas économisé sa vie. Il est vrai qu’il l’a prodiguée. À quoi ? Au devoir, à la lutte pour le vrai, au progrès, à la république.

« Et, comme il n’a fait que les choses qui méritent d’être récompensées, il en a été puni.

« Il a commencé par la prison. Cette fois-là, son crime était d’avoir attaqué la guillotine. Il faut bien que les républicains soient contre la peine de mort, pour être des buveurs de sang. Alors, les juges l’ont condamné à je ne sais plus quelle amende et à six mois