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I

ÉMILY DE PUTRON

cimetière des indépendants de guernesey
19 janvier 1865.

En quelques semaines, nous nous sommes occupés des deux sœurs ; nous avons marié l’une, et voici que nous ensevelissons l’autre. C’est là le perpétuel tremblement de la vie. Inclinons-nous, mes frères, devant la sévère destinée.

Inclinons-nous avec espérance. Nos yeux sont faits pour pleurer, mais pour voir ; notre cœur est fait pour souffrir, mais pour croire. La foi en une autre existence sort de la faculté d’aimer. Ne l’oublions pas, dans cette vie inquiète et rassurée par l’amour, c’est le cœur qui croit. Le fils compte retrouver son père ; la mère ne consent pas à perdre à jamais son enfant. Ce refus du néant est la grandeur de l’homme.

Le cœur ne peut errer. La chair est un songe, elle se dissipe ; cet évanouissement, s’il était la fin de l’homme, ôterait à notre existence toute sanction. Nous ne nous contentons pas de cette fumée qui est la matière ; il nous