Nous extrayons d’une lettre de Victor Hugo cet épisode poignant et touchant du naufrage du Normandy.
« … On m’écrit pour me demander quelle impression a produite sur moi la mort de Montalembert. Je réponds : Aucune ; indifférence absolue. — Mais voici qui m’a navré.
« Dans le steamer Normandy, sombré en pleine mer il y a quatre jours, il y avait un pauvre charpentier avec sa femme ; des gens d’ici, de la paroisse Saint-Sauveur. Ils revenaient de Londres, où le mari était allé pour une tumeur qu’il avait au bras. Tout à coup dans la nuit noire, le bateau, coupé en deux, s’enfonce.
« Il ne restait plus qu’un canot déjà plein de gens qui allaient casser l’amarre et se sauver. Le mari crie : « Attendez-nous, nous allons descendre. » On lui répond du canot : « Il n’y a plus de place que pour une femme. Que votre femme descende. »
« Va, ma femme », dit le mari.
« Et la femme répond : Nenni. Je n’irai pas. Il n’y a pas de place pour toi. Je mourrons ensemble. Ce nenni est adorable. Cet héroïsme qui parle patois serre le cœur. Un doux nenni avec un doux sourire devant le tombeau.
« Et la pauvre femme a jeté ses bras autour du col de son mari, et tous deux sont morts.
« Et je pleure en vous écrivant cela, et je songe à mon admirable gendre Charles Vacquerie…
Les journaux anglais publient la lettre suivante écrite au sujet de la catastrophe du Normandy.
« Veuillez, je vous prie, m’inscrire dans la souscription pour les familles des marins morts dans le naufrage du Normandy, mémorable par l’héroïque conduite du capitaine Harvey.