léon, venait saluer Victoria, et, ce jour-là même, la reine d’Angleterre offrait au vice-roi d’Égypte le spectacle de la flotte anglaise dans la rade de Sheerness, voisine de Southampton.
Le passager dont nous venons de parler était un homme à cheveux blancs, silencieux, attentif à la mer. Il se tenait debout près du timonier.
Le Normandy avait quitté Guernesey à dix heures du matin ; il était environ trois heures de l’après-midi ; on approchait des Needles, qui marquent l’extrémité sud de l’île de Wight ; on apercevait cette haute architecture sauvage de la mer et ces colossales pointes de craie qui sortent de l’océan comme les clochers d’une prodigieuse cathédrale engloutie ; on allait entrer dans la rivière de Southampton ; le timonier commençait à manœuvrer à bâbord.
Le passager regardait l’approche des Aiguilles, quand tout à coup il s’entendit appeler par son nom ; il se retourna ; il avait devant lui le capitaine du navire.
Ce capitaine était à peu près du même âge que lui ; il se nommait Harvey ; il avait de robustes épaules, d’épais favoris blancs, la face hâlée et fière, l’œil gai.
— Est-il vrai, monsieur, dit-il, que vous désiriez voir la flotte anglaise ?
Le passager n’avait pas exprimé ce vœu, mais il avait entendu des femmes témoigner vivement ce désir autour de lui.
Il se borna à répondre :
— Mais, capitaine, ce n’est pas votre itinéraire.
Le capitaine reprit :
— Ce sera mon itinéraire si vous le voulez.
Le passager eut un mouvement de surprise.
— Changer votre route ?
— Oui.
— Pour m’être agréable ?
— Oui.
— Un vaisseau français ne ferait pas cela pour moi !
— Ce qu’un vaisseau français ne ferait pas pour vous, dit le capitaine, un vaisseau anglais le fera.
Et il reprit :