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grandes cours de Naples, les échafauds de Milan, d’Ancône, de Lugo, de Sinigaglia, d’Imola, de Faenza, de Ferrare, la guillotine, le garrot, le gibet ; cent soixante-dix-huit fusillades en trois ans, au nom du pape, dans une seule ville, à Bologne ; le fort Urbain, le château Saint-Ange, Ischia ; Poerio n’ayant d’autre soulagement que de changer sur ses membres la place de ses chaînes ; les proscripteurs ne sachant plus le nombre des proscrits ; les bagnes, les cachots, les oubliettes, les in-pace, les tombes !

Et puis, rappelez-vous votre fier et grand programme romain. Soyez-lui fidèles. Là est l’affranchissement ; là est le salut.

Ayez toujours présent à l’esprit ce mot hideux de la diplomatie : l’Italie n’est pas une nation, c’est un terme de géographie.

N’ayez qu’une pensée, vivre chez vous de votre vie à vous. Être l’Italie. ― Et répétez-vous sans cesse au fond de l’âme cette chose terrible : Tant que l’Italie ne sera pas un peuple, l’italien ne sera pas un homme.

Italiens, l’heure vient ; et, je le dis à votre gloire, elle vient par vous. Vous êtes aujourd’hui la grande inquiétude des trônes continentaux. Le point de la solfatare européenne d’où il se dégage en ce moment le plus de fumée, c’est l’Italie.

Oui, le règne des monstres et des despotes, grands et petits, n’a plus que quelques instants, nous sommes à la fin. Souvenez-vous-en, vous êtes les fils de cette terre prédestinée pour le bien, fatale pour le mal, sur laquelle jettent leur ombre ces deux géants de la pensée humaine, Michel-Ange et Dante ; Michel-Ange, le jugement ; Dante, le châtiment.

Gardez entière et vierge votre mission sublime.

Ne vous laissez ni amortir, ni amoindrir.

Pas de sommeil, pas d’engourdissement, pas de torpeur, pas d’opium, pas de trêve. Agitez-vous, agitez-vous, agitez-vous ! Le devoir pour tous, pour vous comme pour nous, c’est l’agitation aujourd’hui, l’insurrection demain.

Votre mission est à la fois destructive et civilisatrice. Elle ne peut pas ne point s’accomplir. N’en doutez pas,