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LE SUFFRAGE UNIVERSEL.

remettre en question ! Et ce traité signé, vous le déchirez ! (Mouvement.) Et c’est précisément cet homme, le dernier sur l’échelle de vie, qui, maintenant, espérait remonter, peu à peu et tranquillement, c’est ce pauvre, c’est ce malheureux, naguère redoutable, maintenant réconcilié, apaisé, confiant, fraternel, c’est lui que votre loi va chercher ! Pourquoi ? Pour faire une chose insensée, indigne, odieuse, anarchique, abominable ! pour lui reprendre son droit de suffrage ! pour l’arracher aux idées de paix, de conciliation, d’espérance, de justice, de concorde, et, par conséquent, pour le rendre aux idées de violence ! Mais quels hommes de désordre êtes-vous donc ? (Nouveau mouvement.)

Quoi ! le port était trouvé, et c’est vous qui recommencez les aventures ! Quoi ! le pacte était conclu, et c’est vous qui le violez !

Et pourquoi cette violation du pacte ? pourquoi cette agression en pleine paix ? pourquoi ces emportements ? pourquoi cet attentat ? pourquoi cette folie ? Pourquoi ? je vais vous le dire. C’est parce qu’il a plu au peuple, après avoir nommé qui vous vouliez, ce que vous avez trouvé fort bon, de nommer qui vous ne vouliez pas, ce que vous trouvez mauvais. C’est parce qu’il a jugé dignes de son choix des hommes que vous jugiez dignes de vos insultes. C’est parce qu’il est présumable qu’il a la hardiesse de changer d’avis sur votre compte depuis que vous êtes le pouvoir, et qu’il peut comparer les actes aux programmes, et ce qu’on avait promis avec ce qu’on a tenu. (C’est cela !) C’est parce qu’il est probable qu’il ne trouve pas votre gouvernement complètement sublime. (Très bien ! — On rit.) C’est parce qu’il semble se permettre de ne pas vous admirer comme il convient. (Très bien ! très bien ! — Mouvement.) C’est parce qu’il ose user de son vote à sa fantaisie, ce peuple, parce qu’il paraît avoir cette audace inouïe de s’imaginer qu’il est libre, et que, selon toute apparence, il lui passe par la tête cette autre idée étrange qu’il est souverain. (Très bien !) C’est, enfin, parce qu’il a l’insolence de vous donner un avis sous cette forme pacifique du scrutin et de ne pas se prosterner purement et simplement à vos pieds. (Mouvement.) Alors vous vous indignez, vous vous mettez en