Page:Hugo - Actes et paroles - volume 2.djvu/69

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
61
LA DÉPORTATION.

murmurez. Eh bien ! j’insiste encore ! et je vous préviens seulement que, si vous murmurez maintenant, vous murmurerez contre l’histoire. (Le silence se rétablit. — Écoutez !)

De tous les hommes qui ont dirigé le gouvernement ou dominé l’opinion depuis soixante ans, il n’en est pas un, pas un, entendez-vous bien ? qui n’ait été précipité, soit avant, soit après. Tous les noms qui rappellent des triomphes rappellent aussi des catastrophes ; l’histoire les désigne par des synonymes où sont empreintes leurs disgrâces, tous, depuis le captif d’Olmutz, qui avait été La Fayette, jusqu’au déporté de Sainte-Hélène, qui avait été Napoléon. (Mouvement.)

Voyez et réfléchissez. Qui a repris le trône de France en 1814 ? L’exilé de Hartwell. Qui a régné après 1830 ? Le proscrit de Reichenau, redevenu aujourd’hui le banni de Claremont. Qui gouverne en ce moment ? Le prisonnier de Ham. (Profonde sensation.) Faites des lois de proscription maintenant ! (Bravo ! à gauche.)

Ah ! que ceci vous instruise ! Que la leçon des uns ne soit pas perdue pour l’orgueil des autres !

L’avenir est un édifice mystérieux que nous bâtissons nous-mêmes de nos propres mains dans l’obscurité, et qui doit plus tard nous servir à tous de demeure. Un jour vient où il se referme sur ceux qui l’ont bâti. Ah ! puisque nous le construisons aujourd’hui pour l’habiter demain, puisqu’il nous attend, puisqu’il nous saisira sans nul doute, composons-le donc, cet avenir, avec ce que nous avons de meilleur dans l’âme, et non avec ce que nous avons de pire ; avec l’amour, et non avec la colère !

Faisons-le rayonnant et non ténébreux ! faisons-en un palais et non une prison !

Messieurs, la loi qu’on vous propose est mauvaise, barbare, inique. Vous la repousserez. J’ai foi dans votre sagesse et dans votre humanité. Songez-y au moment du vote. Quand les hommes mettent dans une loi l’injustice, Dieu y met la justice, et il frappe avec cette loi ceux qui l’ont faite. (Mouvement général et prolongé.)

Un dernier mot, ou, pour mieux dire, une dernière prière, une dernière supplication.