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AVANT L’EXIL. — ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE

À droite. — Oui ! Nous nions ce que vous dites.

M. Victor Hugo. — Eh bien ! je vais dire ce que je voulais taire ! À vous la faute ! (Frémissement d’attention dans l’assemblée.) Comment ! mais, messieurs, dans Rome, dans cette Rome qui a si longtemps guidé les peuples lumineusement, savez-vous où en est la civilisation ? Pas de législation, ou, pour mieux dire, pour toute législation, je ne sais quel chaos de lois féodales et monacales, qui produisent fatalement la barbarie des juges criminels et la vénalité des juges civils. Pour Rome seulement, quatorze tribunaux d’exception. (Applaudissements. — Parlez ! parlez !) Devant ces tribunaux, aucune garantie d’aucun genre pour qui que ce soit ! les débats sont secrets, la défense orale est interdite. Des juges ecclésiastiques jugent les causes laïques et les personnes laïques. (Mouvement prolongé.)

Je continue.

La haine du progrès en toute chose. Pie VII avait créé une commission de vaccine, Léon XII l’a abolie. Que vous dirai-je ? La confiscation, loi de l’état, le droit d’asile en vigueur, les juifs parqués et enfermés tous les soirs comme au quinzième siècle, une confusion inouïe, le clergé mêlé à tout ! Les curés font des rapports de police. Les comptables des deniers publics, c’est leur règle, ne doivent pas de compte au trésor, mais à Dieu seul. (Longs éclats de rire.) Je continue. (Parlez ! parlez !)

Deux censures pèsent sur la pensée, la censure politique et la censure cléricale ; l’une garrotte l’opinion, l’autre bâillonne la conscience. (Profonde sensation.) On vient de rétablir l’inquisition. Je sais bien qu’on me dira que l’inquisition n’est plus qu’un nom ; mais c’est un nom horrible et je m’en défie, car à l’ombre d’un mauvais nom il ne peut y avoir que de mauvaises choses ! (Explosion d’applaudissements.) Voilà la situation de Rome. Est-ce que ce n’est pas là un état de choses monstrueux ? (Oui ! oui ! oui !)

Messieurs, si vous voulez que la réconciliation si désirable de Rome avec la papauté se fasse, il faut que cet état de choses finisse ; il faut que le pontificat, je le répète, comprenne son peuple, comprenne son siècle ; il faut que l’esprit vivant de l’évangile pénètre et brise la lettre morte