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LE RAPPEL DE LA LOI DU 31 MAI.

de séance ; il importe de tout dire et de ne rien hasarder. D’un côté, il y a le peuple qu’il faut défendre, et de l’autre l’assemblée qu’il ne faut pas brusquer.

M. Victor Hugo peint à grands traits la situation faite à l’avenir par la loi du 31 mai, et il la résume d’un mot, qui a fait tressaillir l’auditoire.

Depuis que l’histoire existe, dit-il, c’est la première fois que la loi donne rendez-vous à la guerre civile.

Puis il reprend :

Que devons-nous faire ? Dans un discours, dans un seul, résumer tout ce que le silence, tout ce que l’abstention du peuple présagent, annoncent de déterminé, de résolu, d’inévitable.

Montrer du doigt le spectre de 1852, sans menaces.

Il ne faut pas que la majorité puisse dire : On nous menace.

Il ne faut pas que le peuple puisse dire : On me déserte.

M. Victor Hugo termine ainsi :

Je me résume.

Je pense qu’il est sage, qu’il est politique, qu’il est nécessaire qu’un orateur seulement parle en notre nom à tous. Comme l’a fort bien dit M. Dupont (de Bussac), pas de discours, un acte !

Maintenant, quel est l’orateur qui parlera ? Prenez qui vous voudrez. Choisissez. Je n’en exclus qu’un seul, c’est moi. Pourquoi ? Je vais vous le dire.

La droite, par ses violences, m’a contraint plus d’une fois à des représailles à la tribune qui, dans cette occasion, feraient de moi pour elle un orateur irritant. Or, ce qu’il faut aujourd’hui, ce n’est pas l’orateur qui passionne, c’est l’orateur qui concilie. Eh bien ! je le déclare en présence de la loi du 31 mai, je ne répondrais pas de moi.

Oui, en voyant reparaître devant nous cette loi que, pour ma part, j’ai déjà hautement flétrie à la tribune, en voyant, si l’abrogation est refusée, se dresser dans un prochain avenir l’inévitable conflit entre la souveraineté du peuple et l’autorité du parlement, en voyant s’entêter dans leur œuvre les hommes funestes qui ont aveuglément préparé pour 1852 je ne sais quelle rencontre à main armée du pays légal et du suffrage universel, je ne sais quel duel de la loi, forme périssable, contre le droit, principe éternel ! oui ! en présence de la guerre civile possible, en présence du sang prêt à couler… je ne répondrais pas de me contenir, je ne répondrais pas de ne point éclater en cris d’indignation et de douleur ; je ne répondrais pas de ne point fouler aux pieds toute cette politique