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NOTES. — ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE.


damné politique, il y avait une intelligence ; dans ce prince, il y avait un démocrate. Nous avons espéré en lui.

Nous avons été trompés dans nos espérances. Ce que nous attendions de l’homme, nous l’avons attendu en vain ; tout ce que le prince pouvait faire, il l’a fait, et il continue en demandant la dotation. Tout autre, à sa place, ne le pourrait pas, ne le voudrait pas, ne l’oserait pas. Je suppose le général Changarnier au pouvoir. Il suivrait probablement la même politique que M. Bonaparte, mais il ne songerait pas à venir vous demander 2 millions à ajouter à 1 200 000 francs, par cette raison fort simple qu’il ne saurait réellement, lui, simple particulier avant son élection, que faire d’une pareille liste civile. M. Changarnier n’aurait pas besoin de faire crier vive l’Empereur ! autour de lui. C’est donc le prince, le prince seul, qui a besoin de 2 millions. Le premier Napoléon lui-même, dans une position analogue, se contenta de 500,000 francs, et, loin de faire des dettes, il payait très noblement, avec cette somme, celles de ses généraux.

Arrêtons ces déplorables tendances ; disons par notre vote : Assez ! assez !

Qui a rouvert ce débat ? Est-ce vous ? Est-ce nous ? Si ranimer cette discussion, c’est faire acte de mauvais citoyen, comme on vient de le dire, est-ce à nous qu’on peut adresser ce reproche ? Non, non ! Le mauvais citoyen, s’il y en a un, est ailleurs que dans l’assemblée.

Je termine ici ces quelques observations. Quand la majorité a voté la dotation la première fois, elle ne savait pas ce qui était derrière.

Aujourd’hui vous le savez. La voter alors, c’était de l’imprudence ; la voter aujourd’hui, ce serait de la complicité.

Tenez, messieurs du parti de l’ordre, voulez-vous faire de l’ordre ? acceptez la république. Acceptez-la, acceptons-la tous purement, simplement, loyalement. Plus de princes, plus de dynasties, plus d’ambitions extra-constitutionnelles ; je ne veux pas dire : plus de complots, mais je dirai plus de rêves. Quand personne ne rêvera plus, tout le monde se calmera. Croyez-vous que ce soit un bon moyen de rassurer les intérêts et d’apaiser les esprits que de dire sans cesse tout haut : — Cela ne peut durer ; et tout bas : — Préparons autre chose ! — Messieurs, finissons-en. Toutes ces allures princières, ces dotations tristement demandées et fâcheusement dépensées, ces espérances qui vont on ne sait où, ces aspirations à un lendemain dictatorial et par conséquent révolutionnaire, c’est de l’agitation, c’est du désordre. Acceptons la république. L’ordre, c’est le définitif.

On sait que l’assemblée refusa la dotation.