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AVANT L’EXIL.

« D’un, côté, cent mille hommes, dix-sept batteries attelées, six mille bouches à feu dans les forts, des magasins, des arsenaux, des munitions de quoi faire la campagne de Russie ; — de l’autre, cent vingt représentants, mille ou douze cents patriotes, six cents fusils, deux cartouches par homme, pas un tambour pour battre le rappel, pas une cloche pour sonner le tocsin, pas une imprimerie pour imprimer une proclamation ; à peine, çà et là, une presse lithographique, une cave où l’on imprimera, en hâte et furtivement, un placard à la brosse ; peine de mort contre qui remuera un pavé, peine de mort contre qui s’attroupera, peine de mort contre qui sera trouvé en conciliabule, peine de mort contre qui placardera un appel aux armes ; si vous êtes pris pendant le combat, la mort ; si vous êtes pris après le combat, la déportation et l’exil. — D’un côté, une armée et le crime ; — de l’autre, une poignée d’hommes et le droit. Voilà cette lutte, l’acceptez-vous ? »

« Ce fut un moment admirable ; cette parole énergique et puissante avait remué toutes les fibres du patriotisme ; un cri subit, unanime, répondit : « Oui, oui, nous l’acceptons ! »

« Et la délibération recommença grave et silencieuse. »