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LA MISÈRE.

Ah ! messieurs, sur ce côté de la question, je ne crains aucune interruption, car vous reconnaîtrez vous-mêmes que c’est là aujourd’hui le grand mot de la situation ; j’entends dire de toutes parts que la société vient encore une fois de vaincre, ― et qu’il faut profiter de la victoire. (Mouvement.) Messieurs, je ne surprendrai personne dans cette enceinte en disant que c’est aussi là mon sentiment.

Avant le 13 juin, une sorte de tourmente agitait cette assemblée ; votre temps si précieux se perdait en de stériles et dangereuses luttes de paroles ; toutes les questions, les plus sérieuses, les plus fécondes, disparaissaient devant la bataille à chaque instant livrée à la tribune et offerte dans la rue. (C’est vrai !) Aujourd’hui le calme s’est fait, le terrorisme s’est évanoui, la victoire est complète. Il faut en profiter. Oui, il faut en profiter ! Mais savez-vous comment ?

Il faut profiter du silence imposé aux passions anarchiques pour donner la parole aux intérêts populaires. (Sensation.) Il faut profiter de l’ordre reconquis pour relever le travail, pour créer sur une vaste échelle la prévoyance sociale, pour substituer à l’aumône qui dégrade (dénégations à droite) l’assistance qui fortifie, pour fonder de toutes parts, et sous toutes les formes, des établissements de toute nature qui rassurent le malheureux et qui encouragent le travailleur, pour donner cordialement, en améliorations de toutes sortes aux classes souffrantes, plus, cent fois plus que leurs faux amis ne leur ont jamais promis ! Voilà comment il faut profiter de la victoire. (Oui ! oui ! Mouvement prolongé.)

Il faut profiter de la disparition de l’esprit de révolution pour faire reparaître l’esprit de progrès ! Il faut profiter du calme pour rétablir la paix, non pas seulement la paix dans les rues, mais la paix véritable, la paix définitive, la paix faite dans les esprits et dans les cœurs ! Il faut, en un mot, que la défaite de la démagogie soit la victoire du peuple ! (Vive adhésion.)

Voilà ce qu’il faut faire de la victoire, et voilà comment il faut en profiter. (Très bien ! très bien !)

Et, messieurs, considérez le moment où vous êtes. Depuis dix-huit mois, on a vu le néant de bien des rêves.