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LA LIBERTÉ DE LA PRESSE.

gée, le pain ôté aux ouvriers, le livre ôté aux intelligences, le privilège de lire vendu aux riches et retiré aux pauvres (mouvement), l’éteignoir posé sur tous les flambeaux du peuple, les masses arrêtées, chose impie ! dans leur ascension vers la lumière, toute justice violée, le jury destitué et remplacé par les chambres d’accusation, la confiscation rétablie par l’énormité des amendes, la condamnation et l’exécution avant le jugement, voilà ce projet ! (Longue acclamation.)

Je ne le qualifie pas, je le raconte. Si j’avais à le caractériser, je le ferais d’un mot : c’est tout le bûcher possible aujourd’hui. (Mouvement. — Protestations à droite.)

Messieurs, après trente-cinq années d’éducation du pays par la liberté de la presse ; alors qu’il est démontré par l’éclatant exemple des États-Unis, de l’Angleterre et de la Belgique, que la presse libre est tout à la fois le plus évident symptôme et l’élément le plus certain de la paix publique ; après trente-cinq années, dis-je, de possession de la liberté de la presse ; après trois siècles de toute-puissance intellectuelle et littéraire, c’est là que nous en sommes ! Les expressions me manquent, toutes les inventions de la restauration sont dépassées ; en présence d’un projet pareil, les lois de censure sont de la clémence, la loi de justice et d’amour est un bienfait, je demande qu’on élève une statue à M. de Peyronnet ! (Rires et bravos à gauche. — Murmures à droite.)

Ne vous méprenez pas ! ceci n’est pas une injure, c’est un hommage. M. de Peyronnet a été laissé en arrière de bien loin par ceux qui ont signé sa condamnation, de même que M. Guizot a été bien dépassé par ceux qui l’ont mis en accusation. (Oui, c’est vrai ! à gauche.) M. de Peyronnet, dans cette enceinte, je lui rends cette justice, et je n’en doute pas, voterait contre cette loi avec indignation, et, quant à M. Guizot, dont le grand talent honorerait toutes les assemblées, si jamais il fait partie de celle-ci, ce sera lui, je l’espère, qui déposera sur cette tribune l’acte d’accusation de M. Baroche. (Acclamation prolongée.)

Je reprends.

Voilà donc ce projet, messieurs, et vous appelez cela une loi ! Non ! ce n’est pas là une loi ! Non ! et j’en prends à