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AVANT L’EXIL. — ACADÉMIE FRANÇAISE.

devait effacer les derniers vestiges, perdus dans un désert à quelques pas de ce Versailles, de ce Paris, de ce grand règne, de ce grand roi, laboureurs et penseurs, cultivant la terre, étudiant les textes, ignorant ce que faisaient la France et l’Europe, cherchant dans l’écriture sainte les preuves de la divinité de Jésus, cherchant dans la création la glorification du créateur, l’œil fixé uniquement sur Dieu, méditaient les livres sacrés et la nature éternelle, la bible ouverte dans l’église et le soleil épanoui dans les cieux !

Leur passage n’a pas été inutile. Vous l’avez dit, monsieur, dans le livre remarquable qu’ils vous ont inspiré, ils ont laissé leur trace dans la théologie, dans la philosophie, dans la langue, dans la littérature, et, aujourd’hui encore, Port-Royal est, pour ainsi dire, la lumière intérieure et secrète de quelques grands esprits. Leur maison a été démolie, leur champ a été ravagé, leurs tombes ont été violées, mais leur mémoire est sainte, mais leurs idées sont debout, mais des choses qu’ils ont semées, beaucoup ont germé dans les âmes, quelques-unes ont germé dans les cœurs. Pourquoi cette victoire à travers ces calamités ? Pourquoi ce triomphe malgré cette persécution ? Ce n’est pas seulement parce qu’ils étaient supérieurs, c’est aussi, c’est surtout parce qu’ils étaient sincères ! C’est qu’ils croyaient, c’est qu’ils étaient convaincus, c’est qu’ils allaient à leur but pleins d’une volonté unique et d’une foi profonde. Après avoir lu et médité leur histoire, on serait tenté de s’écrier : — Qui que vous soyez, voulez-vous avoir de grandes idées et faire de grandes choses ? Croyez ! ayez foi ! Ayez une foi religieuse, une foi patriotique, une foi littéraire. Croyez à l’humanité, au génie, à l’avenir, à vous-mêmes. Sachez d’où vous venez pour savoir où vous allez. La foi est bonne et saine à l’esprit. Il ne suffit pas de penser, il faut croire. C’est de foi et de conviction que sont faites en morale les actions saintes et en poésie les idées sublimes.

Nous ne sommes plus, monsieur, au temps de ces grands dévouements à une pensée purement religieuse. Ce sont là de ces enthousiasmes sur lesquels Voltaire et l’ironie ont passé. Mais, disons-le bien haut, et ayons quelque