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AVANT L’EXIL. — ACADÉMIE FRANÇAISE.

hautement aux suffrages de l’académie. Déjà un Tableau de la littérature française au seizième siècle, plein d’aperçus ingénieux, un remarquable Éloge de Bossuet, écrit d’un style vigoureux, vous avaient mérité deux de ses couronnes. L’académie vous avait compté parmi ses lauréats les plus brillants ; aujourd’hui elle vous admet parmi les juges.

Dans cette position nouvelle, votre horizon, monsieur, s’agrandira. Vous embrasserez d’un coup d’œil à la fois plus ferme et plus étendu de plus vastes espaces. Les esprits comme le vôtre se fortifient en s’élevant. À mesure que leur point de vue se hausse, leur pensée monte. De nouvelles perspectives, dont peut-être vous serez surpris vous-même, s’ouvriront à votre regard. C’est ici, monsieur, une région sereine. En entrant dans cette compagnie séculaire que tant de grands noms ont honorée, où il y a tant de gloire et par conséquent tant de calme, chacun dépose sa passion personnelle, et prend la passion de tous, la vérité. Soyez le bienvenu, monsieur. Vous ne trouverez pas ici l’écho des controverses qui émeuvent les esprits au dehors, et dont le bruit n’arrive pas jusqu’à nous. Les membres de cette académie habitent la sphère des idées pures. Qu’il me soit permis de leur rendre cette justice, à moi, l’un des derniers d’entre eux par le mérite et par l’âge. Ils ignorent tout sentiment qui pourrait troubler la paix inaltérable de leur pensée. Bientôt, monsieur, appelé à leurs assemblées intérieures, vous les connaîtrez, vous les verrez tels qu’ils sont, affectueux, bienveillants, paisibles, tous dévoués aux mêmes travaux et aux mêmes goûts ; honorant les lettrés, cultivant les lettres, les uns avec plus de penchant pour le passé, les autres avec plus de foi dans l’avenir ; ceux-ci soigneux surtout de pureté, d’ornement et de correction, préférant Racine, Boileau et Fénelon ; ceux-là, préoccupés de philosophie et d’histoire, feuilletant Descartes, Pascal, Bossuet et Voltaire ; ceux-là encore, épris des beautés hardies et mâles du génie libre, admirant avant tout la Bible, Homère, Eschyle, Dante, Shakespeare et Molière ; tous d’accord, quoique divers ; mettant en commun leurs opinions avec cordialité et bonne foi ; cherchant le parfait, méditant