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LA LIBERTÉ DU THÉÂTRE.

quelque chose d’analogue pour les auteurs dramatiques ? Pour faire partie de leur association, il faudrait évidemment avoir commencé à écrire ; il faudrait avoir produit un ou deux ouvrages. On maintiendrait quelque chose d’analogue à ce qui existe maintenant. Une fois admis, l’auteur, comme l’avocat, ne serait justiciable que du syndicat de son ordre pour ses délits professionnels.

M. le président. — Je ferai remarquer à M. Victor Hugo que, lorsqu’un avocat s’écarte des convenances dans sa plaidoirie, il y a, en dehors du conseil de l’ordre, le juge qui peut le réprimander et même le suspendre.

M. Victor Hugo. — En dehors du syndicat de l’ordre des auteurs dramatiques, il y aura aussi un juge qui veillera à la police de l’audience, à la dignité de la représentation ; ce juge ce sera le public. Sa puissance est grande et sérieuse, elle sera plus sérieuse encore quand il se sentira réellement investi d’une sorte de magistrature par la liberté même. Ce juge a puissance de vie et de mort ; il peut faire tomber la toile, et alors tout est dit.

M. le conseiller Béhic. — L’organisation de la censure répressive, telle que la propose M. Victor Hugo, présente une difficulté dont je le rends juge. On ne peut maintenant faire partie de l’association des auteurs dramatiques qu’après avoir fait jouer une pièce, M. Victor Hugo propose de maintenir des conditions analogues d’incorporation. Quel système répressif appliquera-t-il alors à la première pièce d’un auteur ?

M. Victor Hugo. — Le système de droit commun, comme aux pièces de tous les auteurs qui ne feront pas partie de la société, la répression du jury.

M. le conseiller Béhic. — J’ai une autre critique plus grave à faire au système de M. Victor Hugo. Toute personne qui remplit des conditions déterminées a droit de se faire inscrire dans l’ordre des avocats. De plus, les avocats peuvent seuls plaider. Si un certain esprit littéraire prédominait dans votre association, ne serait-il pas à craindre qu’elle repoussât de son sein les auteurs dévoués à des idées contraires, ou même que ceux-ci ne refusassent de se soumettre à un tribunal évidemment hostile, et aimassent mieux se tenir en dehors ? Ne risque-t-on pas de voir alors, en dehors de la corporation des auteurs dramatiques, un si grand nombre d’auteurs que son syndicat deviendrait impuissant à réaliser la mission que lui attribue M. Victor Hugo ?

M. Scribe. — Je demande la permission d’appuyer cette objection par quelques mots. Il y a des esprits indépendants qui refuseront d’entrer dans notre association, précisément parce qu’ils craindront une justice disciplinaire, à laquelle il n’y aura pas chance d’échapper, et ceux-là seront sans doute les plus dangereux.

Du reste, il y a dans le système de M. Victor Hugo des idées larges et vraies, qu’il me semble bon de conserver dans le système préventif, le seul