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L’ÉTAT DE SIÉGE.

choisir. Mais j’ai toujours nié, et je nierai toujours, que quelque autorité que ce puisse être, autorité nécessairement inférieure à l’assemblée nationale, puisse pénétrer jusqu’au représentant inviolable, le saisir dans l’enceinte de l’assemblée, l’arracher aux délibérations, et lui imposer un prétendu devoir autre que son devoir de législateur. Le jour où cette monstrueuse usurpation serait tolérée, il n’y aurait plus de liberté des assemblées, il n’y aurait plus de souveraineté du peuple, il n’y aurait plus rien ! rien que l’arbitraire et le despotisme et l’abaissement de tout dans le pays. Quant à moi, je ne verrai jamais ce jour-là. (Mouvement.)

M. le président. — Notre devoir est de faire exécuter les lois, quelque élevé que soit le caractère des personnes appelées devant la justice.

M. Victor Hugo. — Ce ne serait point là exécuter les lois, ce serait les violer toutes à la fois. Je persiste dans ma protestation.

(M. Victor Hugo se retire au milieu d’un mouvement de curiosité qui l’accompagne au dehors de la salle d’audience.)

M. le président au commissaire du gouvernement. — Vous avez la parole.

M. d’Hennezel soutient l’accusation contre les deux accusés.

Mes Madier de Montjau et Briquet défendent les accusés.

Le conseil entre dans la salle des délibérations, et, après une heure écoulée, M. le président prononce un jugement qui déclare Turmel et Long non coupables sur la question d’attentat, mais coupables d’avoir pris part à un mouvement insurrectionnel, étant porteurs d’armes apparentes.

En conséquence, Turmel est condamné à deux années de prison, et Long à une année de la même peine, en vertu de l’article 5 de la loi du 24 mai 1834, modifié par l’article 463 du Code pénal.

— La grave question soulevée par l’honorable M. Victor Hugo devant le conseil de guerre a été, à son retour dans le sein de l’assemblée, l’objet de discussions assez animées qui se sont engagées dans la salle des conférences. Les principes posés par M. Victor Hugo ont été vivement soutenus par les membres les plus compétents de l’assemblée. On annonçait que cet incident ferait l’objet d’une lettre que le président de l’assemblée devait adresser au président du conseil de guerre.