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NOTES. — ASSEMBLÉE CONSTITUANTE.

de Louvre, qui veut dire souveraineté et gloire ; c’est là, messieurs, une idée haute et belle. Maintenant, est-ce une idée utile ?

Je n’hésite pas ; je réponds : Oui.

Quoi ! vivifier Paris, embellir Paris, ajouter encore à la haute idée de civilisation que Paris représente, donner d’immenses travaux sous toutes les formes à toutes les classes d’ouvriers, depuis l’artisan jusqu’à l’artiste, donner du pain aux uns, de la gloire aux autres, occuper et nourrir le peuple avec une idée, lorsque les ennemis de la paix publique cherchent à l’occuper, je ne dis pas à le nourrir, avec des passions, est-ce que ce n’est pas là une pensée utile ?

Mais l’argent ? cela coûtera fort cher. Messieurs, entendons-nous, j’aime la gloire du pays, mais sa bourse me touche. Non-seulement je ne veux pas grever le budget, mais je veux, à tout prix, l’alléger. Si le projet, quoiqu’il me semble beau et utile, devait entraîner une charge pour les contribuables, je serais le premier à le repousser. Mais, l’exposé des motifs vous le dit, on peut faire face à la dépense par des aliénations peu regrettables d’une portion du domaine de l’état qui coûte plus qu’elle ne rapporte.

J’ajoute ceci. Cet été, vous votiez des sommes considérables pour des résultats nuls, uniquement dans l’intention de faire travailler le peuple. Vous compreniez si bien la haute importance morale et politique du travail, que la seule pensée d’en donner vous suffisait. Quoi ! vous accordiez des travaux stériles, et aujourd’hui vous refuseriez des travaux utiles ?

Le projet peut être amélioré. Ainsi, il faudrait conserver toutes les menuiseries de la bibliothèque actuelle, qui sont fort belles et fort précieuses. Ce sont là des détails. Je signale une lacune plus importante. Selon moi, il faudrait compléter la pensée du projet en installant l’institut dans le Louvre, c’est-à-dire en faisant siéger le sénat des intelligences au milieu des produits de l’esprit humain. Représentez-vous ce que serait le Louvre alors ! D’un côté une galerie de peinture comparable à la galerie du Vatican, de l’autre une bibliothèque comparable à la bibliothèque d’Alexandrie ; tout près cette grande nouveauté des temps modernes, le palais de l’Industrie ; toute connaissance humaine réunie et rayonnant dans un monument unique ; au centre l’institut, comme le cerveau de ce grand corps.

Les visiteurs de toutes les parties du monde accourraient à ce monument comme à une Mecque de l’intelligence. Vous auriez ainsi transformé le Louvre. Je dis plus, vous n’auriez pas seulement agrandi le palais, vous auriez agrandi l’idée qu’il contenait.

Cette création, où l’on trouvera tous les magnifiques progrès de l’art contemporain, dotera, sans qu’il en coûte un sou aux contribuables, d’une richesse de plus la ville de Paris, et la France d’une gloire de plus. J’appuie le projet.