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NOTES. — ASSEMBLÉE CONSTITUANTE.

Je réponds : non !

Il ne suffit pas que la nation ait pour elle la souveraineté, il faut qu’elle ait la raison.

Voyons si elle a la raison.

Il y a en république deux cas, seulement deux cas où le pays peut dire à une assemblée de se dissoudre. C’est lorsqu’il a devant lui une assemblée législative dont le terme est arrivé, ou une assemblée constituante dont le mandat est épuisé.

Hors de là, le pays, le pays lui-même peut avoir la force, il n’a pas le droit.

L’assemblée législative dont la durée constitutionnelle n’est pas achevée, l’assemblée constituante dont le mandat n’est pas accompli ont le droit, ont le devoir de répondre au pays lui-même : non ! et de continuer, l’une sa fonction, l’autre son œuvre.

Toute la question est donc là. Je la précise, vous voyez. La Constituante de 1848 a-t-elle épuisé son mandat ? a-t-elle terminé son œuvre ? Je crois que oui, vous croyez que non.

Une voix. — L’assemblée n’a point épuisé son mandat.

M. Victor Hugo. — Si ceux qui veulent maintenir l’assemblée parviennent à me prouver qu’elle n’a point fait ce qu’elle avait à faire, et que son mandat n’est point accompli, je passe de leur bord à l’instant même.

Examinons.

Qu’est-ce que la constituante avait à faire ? Une constitution.

La constitution est faite.

Le même membre. — Mais, après la constitution, il faut que l’assemblée fasse les lois organiques.

M. Victor Hugo. — Voici le grand argument, faire les lois organiques !

Est-ce une nécessité ou une convenance ?

Si les lois organiques participent du privilége de la constitution, si, comme la constitution, qui n’est sujette qu’à une seule réserve, la sanction du peuple et le droit de révision, si comme la constitution, dis-je, les lois organiques sont souveraines, inviolables, au-dessus des assemblées législatives, au-dessus des codes, placées à la fois à la base et au faîte, oh ! alors, il n’y a pas de question, il n’y a rien à dire, il faut les faire, il y a nécessité. Vous devez répondre au pays qui vous presse : attendez ! nous n’avons pas fini ! les lois organiques ont besoin de recevoir de nous le sceau du pouvoir constituant. Et alors, si cela est, si nos adversaires ont raison, savez-vous ce que vous avez fait vendredi en repoussant la proposition Rateau ? vous avez manqué à votre devoir !