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LA MARQUE DE FABRIQUE

Permettez que je m’explique sur ce point, car il est délicat et grave.

J’aime la liberté, je sais qu’elle est bonne ; je ne me borne pas a dire qu’elle est bonne, je le crois, je le sais ; je suis prêt à me dévouer pour cette conviction. La liberté a ses abus et ses périls. Mais à côté des abus elle a ses bienfaits, à côté des périls elle a la gloire. J’aime donc la liberté, je la crois bonne en toute occasion. Je veux la liberté du bon commerce ; j’admettrais même, s’il en était besoin, la liberté du mauvais commerce, quoique ce soit, à mon avis, la liberté de la ronce et de l’ivraie. Mais, messieurs, je ne pense pas que, dans la marque obligatoire, la liberté soit le moins du monde compromise.

Il existe un commerce, il existe une industrie qui est soumise à la marque obligatoire ; ce commerce, je vais le nommer tout de suite, c’est la presse, c’est la librairie. Il n’existe pas un papier imprimé, quel qu’il soit, dans quelque but que ce soit, sous quelque dénomination que ce soit, si insignifiant qu’il puisse être, il n’existe pas un papier imprimé qui ne doive, aux termes des lois qui nous régissent, porter le nom de l’imprimeur et son adresse. Qu’est-ce que cela ? C’est la marque obligatoire. Avez-vous entendu dire que la marque obligatoire ait supprimé la liberté de la presse ? (Mouvement.)

Je ne sache pas d’argument plus fort que celui-ci ; car voici une liberté publique, la plus importante de toutes, la plus vitale, qui fonctionne parmi nous sous l’empire de la marque obligatoire, c’est-à-dire de cet obstacle qu’on objecte comme devant ruiner une autre liberté dans ce qu’elle a de plus essentiel et de meilleur. Il est donc évident que puisque la marque obligatoire ne gêne dans aucun de ses développements la plus précieuse de nos libertés, elle n’aura aucun effet funeste, ni même aucun effet fâcheux sur la liberté commerciale. J’ajoute qu’à mon avis liberté implique responsabilité. La marque obligatoire, c’est la signature ; la marque obligatoire, c’est la responsabilité. Eh bien, messieurs les pairs, je suis de ceux qui ne veulent pas qu’on jouisse de la liberté sans subir la responsabilité. (Mouvement.)

Je voterai pour la marque obligatoire.


Je vois la chambre fatiguée, je ne crois pas au succès de l’amendement, et cependant je crois devoir insister. Messieurs, c’est que ma conviction est profonde.

La marque facultative peut-elle avoir ce rare résultat de séparer