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LA SÉPARATION DE L’ASSEMBLÉE.

J’aborde, pour la traverser rapidement, car, dans les circonstances où nous sommes, il ne faut pas irriter un tel débat, j’aborde la question délicate que j’appellerai la question d’amour-propre, c’est-à-dire le conflit qu’on cherche à élever entre le ministère et l’assemblée à l’occasion de la proposition Rateau. Je répète que je traverse cette question rapidement ; vous en comprenez tous le motif, il est puisé dans mon patriotisme et dans le vôtre. Je dis seulement, et je me borne à ceci, que cette question ainsi posée, que ce conflit, que cette susceptibilité, que tout cela est au-dessous de vous. (Oui ! oui ! — Adhésion.) Les grandes assemblées comme celle-ci ne compromettent pas la paix du pays par susceptibilité, elles se meuvent et se gouvernent par des raisons plus hautes. Les grandes assemblées, messieurs, savent envisager l’heure de leur abdication politique avec dignité et liberté ; elles n’obéissent jamais, soit au jour de leur avénement, soit au jour de leur retraite, qu’à une seule impulsion, l’utilité publique. C’est là le sentiment que j’invoque et que je voudrais éveiller dans vos âmes.

J’écarte donc comme renversés par la discussion les trois arguments puisés, l’un dans la nature de notre mandat, l’autre dans la nécessité de voter les lois organiques, et le troisième dans la susceptibilité de l’assemblée en face du ministère.

J’arrive à une dernière objection qui, selon moi, est encore entière, et qui est au fond du discours remarquable que vous venez d’entendre. Cette objection, la voici :

Pour dissoudre l’assemblée, nous invoquons la nécessité politique. Pour la maintenir, on nous oppose la nécessité politique. On nous dit : Il faut que l’assemblée constituante reste à son poste ; il faut qu’elle veille sur son œuvre ; il importe qu’elle ne livre pas la démocratie organisée par elle, qu’elle ne livre pas la constitution à ce courant qui emporte les esprits vers un avenir inconnu.

Et là-dessus, messieurs, on évoque je ne sais quel fantôme d’une assemblée menaçante pour la paix publique ; on suppose que la prochaine assemblée législative (car c’est là le point réel de la question, j’y insiste, et j’y appelle votre attention), on suppose que la prochaine assemblée législative