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AVANT L’EXIL. — ASSEMBLÉE CONSTITUANTE.

le lendemain par les acclamations de la presse unanime. (Très bien ! très bien ! Mouvement prolongé.)

Eh bien, voulez-vous savoir ce que la presse libre a fait pour l’orateur libre ? (Écoutez !) Ouvrez les lettres politiques de Benjamin Constant, vous y trouverez ce passage remarquable :

« En revenant à son banc, le lendemain du jour où il avait parlé ainsi, Casimir Perier me dit : « Si l’unanimité de la presse n’avait pas fait contre-poids à l’unanimité de la chambre, j’aurais peut-être été découragé. »

Voilà ce que peut la liberté de la presse, voilà l’appui qu’elle peut donner ! c’est peut-être à la liberté de la presse que vous avez dû cet homme courageux qui, le jour où il le fallut, sut être bon serviteur de l’ordre parce qu’il avait été bon serviteur de la liberté.

Ne souffrez pas les empiétements du pouvoir ; ne laissez pas se faire autour de vous cette espèce de calme faux qui n’est pas le calme, que vous prenez pour l’ordre et qui n’est pas l’ordre ; faites attention à cette vérité que Cromwell n’ignorait pas, et que Bonaparte savait aussi : Le silence autour des assemblées, c’est bientôt le silence dans les assemblées. (Mouvement.)

Encore un mot.

Quelle était la situation de la presse à l’époque de la terreur ?… (Interruption.)

Il faut bien que je vous rappelle des analogies, non dans les époques, mais dans la situation de la presse. La presse alors était, comme aujourd’hui, libre de droit, esclave de fait. Alors, pour faire taire la presse, on menaçait de mort les journalistes ; aujourd’hui on menace de mort les journaux. (Mouvement.) Le moyen est moins terrible, mais il n’est pas moins efficace.

Qu’est-ce que c’est que cette situation ? c’est la censure. (Agitation.) C’est la censure, c’est la pire, c’est la plus misérable de toutes les censures ; c’est celle qui attaque l’écrivain dans ce qu’il a de plus précieux au monde, dans sa dignité même ; celle qui livre l’écrivain aux tâtonnements, sans le mettre à l’abri des coups d’état. (Agitation croissante.) Voilà la situation dans laquelle vous placez la presse aujourd’hui.