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AVANT L’EXIL. — ASSEMBLÉE CONSTITUANTE

L’assemblée nationale a donné au pouvoir exécutif l’état de siège pour comprimer l’insurrection, et des lois pour réprimer la presse. Lorsque le pouvoir exécutif confond l’état de siège avec la suspension des lois, il est dans une erreur profonde, et il importe qu’il soit averti. (À gauche : Très bien !)

Ce que nous avons à dire au pouvoir exécutif, le voici :

L’assemblée nationale a prétendu empêcher la guerre civile, mais non interdire la discussion ; elle a voulu désarmer les bras, mais non bâillonner les consciences. (Approbation à gauche.)

Pour pacifier la rue, vous avez l’état de siège ; pour contenir la presse, vous avez les tribunaux. Mais ne vous servez pas de l’état de siége contre la presse ; vous vous trompez d’arme, et, en croyant défendre la société, vous blessez la liberté. (Mouvement.)

Vous combattez pour des principes sacrés, pour l’ordre, pour la famille, pour la propriété ; nous vous suivrons, nous vous aiderons dans le combat ; mais nous voulons que vous combattiez avec les lois.

Une voix. — Qui, nous ?

M. Victor Hugo. — Nous, l’assemblée tout entière. (À gauche : Très bien ! très bien !)

Il m’est impossible de ne pas rappeler que la distinction a été faite plusieurs fois et comprise et accueillie par vous tous, entre l’état de siége et la suspension des lois.

L’état de siége est un état défini et légal, on l’a dit déjà ; la suspension des lois est une situation monstrueuse dans laquelle la chambre ne peut pas vouloir placer la France (mouvement), dans laquelle une grande assemblée ne voudra jamais placer un grand peuple ! (Nouveau mouvement.)

Je ne puis admettre que le pouvoir exécutif comprenne ainsi son mandat. Quant à moi, je le déclare, j’ai prétendu lui donner l’état de siége, je l’ai armé de toute la force sociale pour la défense de l’ordre, je lui ai donné toute la somme de pouvoir que mon mandat me permettait de lui conférer ; mais je ne lui ai pas donné la dictature, mais je ne lui ai pas livré la liberté de la pensée, mais je n’ai pas prétendu lui attribuer la censure et la confiscation ! (Appro-