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AVANT L’EXIL. — CHAMBRE DES PAIRS.

ce serait de la grandeur, et depuis quand cesse-t-on d’être assez fort parce qu’on est grand ?

Oui, messieurs, je le dis hautement, dût la candeur de mes paroles faire sourire ceux qui ne reconnaissent dans les choses humaines que ce qu’ils appellent la nécessité politique et la raison d’état, à mon sens, l’honneur de notre gouvernement de juillet, le triomphe de la civilisation, la couronne de nos trente-deux années de paix, ce serait de rappeler purement et simplement dans leur pays, qui est le nôtre, tous ces innocents illustres dont l’exil fait des prétendants et dont l’air de la patrie ferait des citoyens. (Très bien ! très bien !)

Messieurs, sans même invoquer ici, comme l’a fait si dignement le noble prince de la Moskowa, toutes les considérations spéciales qui se rattachent au passé militaire, si national et si brillant, du noble pétitionnaire, le frère d’armes de beaucoup d’entre vous, soldat après le 18 brumaire, général à Waterloo, roi dans l’intervalle, sans même invoquer, je le répète, toutes ces considérations pourtant si décisives, ce n’est pas, disons-le, dans un temps comme le nôtre, qu’il peut être bon de maintenir les proscriptions et d’associer indéfiniment la loi aux violences du sort et aux réactions de la destinée.

Ne l’oublions pas, car de tels événements sont de hautes leçons, en fait d’élévations comme en fait d’abaissements, notre époque a vu tous les spectacles que la fortune peut donner aux hommes. Tout peut arriver, car tout est arrivé. Il semble, permettez-moi cette figure, que la destinée, sans être la justice, ait une balance comme elle ; quand un plateau monte, l’autre descend. Tandis qu’un sous-lieutenant d’artillerie devenait empereur des Français, le premier prince du sang de France devenait professeur de mathématiques. Cet auguste professeur est aujourd’hui le plus éminent des rois de l’Europe. Messieurs, au moment de statuer sur cette pétition, ayez ces profondes oscillations des existences royales présentes à l’esprit. (Adhésion.)

Non, ce n’est pas après tant de révolutions, ce n’est pas après tant de vicissitudes qui n’ont épargné aucune tête, qu’il peut être impolitique de donner solennellement