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AVANT L’EXIL. — CHAMBRE DES PAIRS.

regard, un immense édifice se bâtit, une construction invisible, sous-marine, une sorte de cirque gigantesque qui s’accroît tous les jours, et qui enveloppe et enferme silencieusement le port du Havre. En cinquante ans, cet édifice s’est accru d’une hauteur déjà considérable. En cinquante ans ! Et à l’heure où nous sommes, on peut entrevoir le jour où ce cirque sera fermé, où il apparaîtra tout entier à la surface de la mer, et ce jour-là, messieurs, le plus grand port commercial de la France, le port du Havre n’existera plus. (Mouvement.)

Notez ceci : dans ce même lieu quatre ports ont existé et ont disparu, Granville, Sainte-Adresse, Harfleur, et un quatrième, dont le nom m’échappe en ce moment.

Oui, j’appelle sur ce point votre attention, je dis plus, votre inquiétude. Dans un temps donné le Havre est perdu, si le gouvernement, si la science ne trouvent pas un moyen d’arrêter dans leur opération redoutable et mystérieuse ces deux infatigables ouvriers qui ne dorment pas, qui ne se reposent pas, qui travaillent nuit et jour, le fleuve et l’océan !

Messieurs, ce phénomène alarmant se reproduit dans des proportions différentes sur beaucoup de points de notre littoral. Je pourrais citer d’autres exemples, je me borne à celui-ci. Que pourrais-je vous citer de plus frappant qu’un si grand port en proie à un si grand danger ?

Lorsqu’on examine l’ensemble des causes qui amènent la dégradation de notre littoral… — Je demande pardon à la chambre d’introduire ici une parenthèse, mais j’ai besoin de lui dire que je ne suis pas absolument étranger à cette matière. J’ai fait dans mon enfance, étant destiné à l’école polytechnique, les études préliminaires ; j’ai depuis, à diverses reprises, passé beaucoup de temps au bord de la mer ; j’ai de plus, pendant plusieurs années, parcouru tout notre littoral de l’Océan et de la Méditerranée, en étudiant, avec le profond intérêt qu’éveillent en moi les intérêts de la France et les choses de la nature, la question qui vous est, à cette heure, partiellement soumise.

Je reprends maintenant.

Ce phénomène, que je viens de tâcher d’expliquer à la chambre, ce phénomène qui menace le port du Havre, qui,