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I
LA POLOGNE[1]
19 mars 1846.
Messieurs,
Je dirai très peu de mots. Je cède à un sentiment irrésistible qui m’appelle à cette tribune.
La question qui se débat en ce moment devant cette noble assemblée n’est pas une question ordinaire, elle dépasse la portée habituelle des questions politiques ; elle
- ↑ Dans la discussion du projet de loi relatif aux dépenses
secrètes M. de Montalembert vint plaider la cause de la Pologne et
adjurer le Gouvernement de sortir de sa politique égoïste.M. Guizot
répondit que le gouvernement du roi persistait et persisterait
dans les deux règles de conduite qu’il s’était imposées : la
non-intervention dans les affaires de Pologne ; les secours, l’asile
offert aux malheureux polonais. « L’opposition, disait M. Guizot, peut
tenir le langage qui lui plaît ; elle peut, sans rien faire, sans rien
proposer, donner à ses reproches toute l’amertume, à ses espérances
toute la latitude qui lui conviennent. Il y a, croyez-moi, bien
autant, et c’est par égard que je ne dis pas bien plus, de moralité,
de dignité, de vraie charité même envers les polonais, à ne promettre
et à ne dire que ce qu’on fait réellement. » — En somme, M. Guizot
tenait le débat engagé pour inutile et ne pensait pas que la
discussion des droits de la Pologne, que l’expression du jugement de
la France pussent produire aucun effet heureux pour la reconstitution
de la nationalité polonaise. Le gouvernement français, selon M. Guizot, devait remplir son devoir de neutralité en contenant, pour obéir à l’intérêt légitime de son pays, les sentiments qui s’élevaient aussi dans son âme. — Après M. le prince de la Moskowa qui répondit à
M. Guizot, M. Victor Hugo monta à la tribune.
Ce discours, le premier discours politique qu’ait prononcé Victor Hugo, fut très froidement accueilli. (Note de l’éditeur.)