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344 MILLE FRANCS DE RÉCOMPENSE.

vous l’êtes aux affaires. Il est vraiment dur pour un galant homme de s’entendre dire des choses qui pourraient, si je n’étais pas connu comme je le suis, faire croire de ma part à un manque de délicatesse ! ÉTIENNETTE.

Mais, monsieur...

ROUSSELINE.

Qu’un homme tel que moi, qui a fait sa fortune, qui est riche, qui a des maisons dans Paris, qui a voiture, qui est un notable de sa paroisse, qui n’est plus un enfant, soit exposé à ce qu’on lui parle comme vous faites, cela n’est pas tolérable. La considération due aux situations est une des bases de la société. Je manquerais à mes devoirs si je permettais qu’on outrageât en ma personne les positions acquises. Me parler de la sorte, à moi ! Il faut convenir qu’on voit des choses bien extraordinaires. ÉTIEl^NETTE.

Mais, monsieur, vous le dites vous-même, mon père est dans un grand péril si la traite n’est point payée. Son argent est là pour y faire face. Je viens tout simplement vous prier de nous rendre ce qui est à nous. ROUSSELINE.

N’y eût-il que cette insistance, cela suffirait pour m’indigner. Cette insistance indique un défaut de confiance. Savez-vous ce que je suis, madame .^^ Je suis votre bienfaiteur. Vous êtes dans l’abîme. Je vous tends la main. Je consens à épouser votre fille. Oui, c’est vrai, votre père est dans une situation terrible, et c’est au moment où moi, homme considéré et considérable, je viens à vous, je descends jusqu’à vous, vous offrant mon alliance, ma protection, ma fortune, vous couvrant de mon honorabilité, c’est à ce moment-là que je recueille pour remercîment la défiance et pour récompense l’ingratitude ! c’est odieux, madame. ÉTIENNETTE.

Monsieur, je n’ai pas voulu vous offenser. C’est sans intention. Je vous prie de me pardonner, monsieur.

ROUSSELINE.

Oui, votre père est perdu.

ÉTIENNETTE.

Mais, monsieur, son argent, l’argent qui est à lui, suffît pour le sauver. Rendez-nous-le.