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ACTE II, SCÈNE II.

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M. DE PONTRESME.

O Lcaumont, vicomte de mon cœur ! Je vais être heureux ! Bastringue et tripot. Les deux formes de l’idéal. Je vais me désosser à faire des cavalier seul. Je vais perdre de l’argent. LE VICOMTE DE LEAUMONT.

Pourquoi ça, perdre.

M. DE PONTRESME.

C’est bien plus élégant que de gagner. Tu ne trouves pas .’* Quel mérite y a-t-il à gagner. on est, en pleine lumière, en public, coram plèbe, le favori bête d’une drôlesse masquée qui s’appelle la chance. Savoir gagner, le premier venu en est capable. Savoir perdre, c’est si rare que Napoléon lui-même ne l’a pas su. Eh bien moi , je sais perdre. LE VICOMTE DE LÉAUMONT.

As-tu beaucoup travaillé pour cela . M. DE PONTRESME.

Beaucoup. J’ai étudié à fond le trente et quarante. On joue ici une roulette allemande toute nouvelle qui est très meurtrière. Jouer aux jeux de hasard, quelle haute occupation ! tiens, vois comme je suis consommé dans cet art rêveur. J’ai toujours sur moi mes deux tableaux. Regarde. Il tire deux cartes de sa poche.

Tableau du trente et quarante. Vois le grand carré couleur flanqué des deux petits carrés, et cette espèce de fer de lance qui tient toute la table, mi-parti, noir, rouge, et dans les deux coins en haut, rouge, noir, et en bas, dans ce triangle, l’inverse. Et puis, paysanne, contemple-moi à présent, avec tes gros yeux dignes de Florian, la Roulette. LE VICOMTE DE LEAUMONT.

Tu te donnes toute cette peine-là pour perdre .f* M. DE PONTRESME.

Oui.

LE VICOMTE DE LEAUMONT.

Moi, je t’avoue mon faible. Je joue pour gagner.