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ACTE PREMIER, SCÈNE IV. 23I

GLAPIEU.

Voyons ça, la providence. — J’ai toujours été curieux de voir la figure de cette dame-là.

éTIENNETTE.

Monsieur Rousseline, vous êtes pour nous comme un ami, mon père a confiance en vous, vous lui avez aplani beaucoup de diflScultés, vous êtes son homme d’affaires. Vous voyez notre situation. Le malheur s’est mis dans la maison. Mon père a perdu presque toutes ses leçons. Il ne lui reste plus que deux ou trois élèves. Mon père a vu la misère venir. Le désespoir l’a pris. Il est tombé malade. Voilà presque deux mois qu’il a la fièvre et le délire. Aujourd’hui on saisit tout ce que nous avons pour une dette de quelques mille francs, moins de quatre miUe. L’huissier est là. On va vendre nos meubles ce matin. Mon père n’en sait rien. Heureusement il dort en ce moment. Mais s’il se réveille, s’il voit les huissiers, les recors, la catastrophe. . . Ah mon Dieu ! cela le tuera. Monsieur Rousseline, sauvez-nous. ROUSSELINE.

Madame, rendre service est ma loi. Faire le bien est la plus douce des jouissances. Il y a dans l’homme un principe immuable, c’est la conscience. Heureux celui qui, à l’heure de paraître devant le souverain juge, peut se dire : j’ai obligé mes semblables.

GLAPIEU.

Toi, tu es une canaille.

ROUSSELINE.

Ces règles d’une saine philanthropie ont dominé toute ma vie. J’ai traversé pourtant beaucoup d’épreuves. Ce n’est pas sans bien des sueurs que je suis parvenu où je suis arrivé, mais au milieu même de mes soucis et de mes labeurs, je n’ai jamais oublié ce grand devoir d’aider ceux qui sont dans l’infortune, si bien que Dieu m’a béni et que je me trouve aujourd’hui à la tête d’une jolie aisance, avec ce cabinet d’affaires fondé par moi, petit hôtel à la ville, élégant cottage à la campagne, cinq ou six maisons bien louées dans Paris, bonne table, trois domestiques, cheval et cabriolet.

GLAPIEU, k part.

Pauvre chatte !