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THÉÂTRE EN LIBERTE.

Mis le drapeau ducal, il abattit le mât.
Le prince avait donné l’ordre qu’on désarmât ;
Il garda son épée et dit : Qu’on me la prenne !
Il criait sur les monts pendant la nuit sereine,
Seul, sinistre, et ses cris étaient si furieux,
Si grands, qu’ils faisaient fuir les aigles dans les cieux !
Il réclamait, malgré le soldat et le prêtre,
Toujours les droits du peuple, oubliant ceux du maître.
Cela nous fatiguait, nous avions désarmé.
Tenez, il fut haï comme Albos est aimé.
Ah ! voilà ce que c’est que d’être ainsi tenace
À la lutte, aux courroux amers, à la menace !
On aboutit à quelque existence sans nom !
Cet homme entravait tout. Sans cesse il disait non.
Ce n’est pas qu’il prêchât le meurtre. Non, l’émeute,
Lancer le peuple ainsi qu’à la chasse une meute,
C’était son but. Un jour il dit : — Pas de poignard.
C’est une arme de sbire et non de montagnard.
Mais le glaive ! et luttons. Pour le prince le prêtre ;
Pour nous Dieu. Par derrière, et sous une arme traître,
Je ne voudrais pas, moi, que l’ennemi tombât.
Le poignard assassine et le glaive combat.
Je veux le glaive. — Ainsi criant, il dut déplaire.
Pour trop aimer le peuple on est impopulaire.
Avoir toujours quelqu’un qui dit : Ouvrez les yeux !
Levez-vous ! quand on veut dormir, c’est ennuyeux.
Tout le monde voulait la paix dans la province.
L’évêque le chassa de l’église, le prince
Du pays, et son père, hélas, de sa maison.

LE MONTAGNARD.

Ce rebelle avait tort.

TOUS.

Ce rebelle avait tort. Certes !

UNE VOIX, dans la caverne.

Ce rebelle avait tort. Certes ! J’avais raison.

LE MONTAGNARD, levant la tête.

Hein ?