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THÉÂTRE EN LIBERTÉ.

TOUS.

Je redescendrai. Vive Albos !

Un groupe d’enfants s’est approché du ravin et regarde curieusement l’ouverture de la caverne. Deux ou trois se sont hasardés à mettre le pied sur l’arbre mort qui sert de pont, et qui aboutit par une extrémité à l’entrée de la grotte.
UNE MÈRE, courant à eux.

Je redescendrai. Vive Albos ! C’est le repaire
Du brigand ! N’allez pas de ce côté-là, vous !

Les enfants reculent.
LE CHANTERRE.

C’est une cave, enfants, dont nous avons peur tous.
C’était l’ancien abri du vieux peuple bulgare.
Où jadis on fuyait, maintenant on s’égare.
Un dédale en ce lieu farouche a fait son nœud.
On entre si l’on veut et l’on sort si l’on peut.
C’est un abîme avec toutes sortes de routes,
Un précipice obscur de porches et de voûtes,
Qui s’enfonce, se tord, se croise, se confond,
Et communique avec l’épouvante sans fond.
La montagne est dessus. Ce trou profond la perce
De part en part, et l’ombre horrible s’y disperse,
Et dans ce souterrain que tous nous redoutons,
Les spectres de la nuit sont eux-même à tâtons.
Nul ne va là. Pourtant l’antre affreux, dont personne
N’approche, attire ceux devant qui tout frissonne.
L’homme excommunié cherche le lieu maudit.
Jadis plus d’un brigand dans ce puits se perdit,
Et l’on dit qu’à cette heure un bandit cénobite
S’y cache, et qu’en ce gouffre un homme fauve habite.

LA MÈRE, avec un geste affirmatif.

Il sort de temps en temps.

LE MONTAGNARD.

Il sort de temps en temps. Parfois on peut le voir
Debout au haut des monts dans la clarté du soir.