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THÉÂTRE EN LIBERTÉ.

célèbre et chante l’amour. On y entend parler la branche d’arbre et la goutte d’eau, les papillons et les fleurs, le moineau franc et le hoche-queue, jusqu’aux cailloux du chemin. C’est la vie universelle qui déborde. C’est la joie qui éclaire partout. Une centaine de vers de ce poème sont absolument délicieux. Mais c’est surtout Mangeront-ils ? que je recommande dans ce volume.

… Nous sommes ici dans la fantaisie pure. Mais il y a bien de la gaîté et bien de la verve dans tout le rôle d’Aïrolo.


Le Livre.
Gustave Rivet.

… Ce livre est un chef-d’œuvre de plus donné à notre siècle ; on y trouve, ce qui est l’essence même du génie de Victor Hugo, l’unité dans la variété la plus prodigieuse. Sur le clavier assez réduit, en somme, des sentiments humains, l’amour et la colère, la fraternité, la patrie, le poète sait jouer des variations infinies ; seul il peut ne pas se répéter et nous donner des émotions toujours nouvelles en nous parlant de l’enfance, de la vieillesse auguste, de l’amour sacré, du droit des faibles et des petits ; il a trouvé dans son cœur des cris inconnus pour dire : Aimez-vous, soyez fraternels, soyez grands, soyez libres, et c’est toujours la justice, la fraternité et l’amour qui sortent de sa méditation et de son sourire.

… Et lorsque, profondément remué, j’eus fermé ce beau livre, je m’en suis allé pensif vers ce Panthéon où dort le Maître, et là, sous les hautes voûtes, pieux et reconnaissant, je lui ai dit : Maître immortel et qui viens de nous faire entendre ta voix superbe, dans la vie et dans la mort, nous t’admirons et nous t’aimons.


Le Soleil.
Charles Canivet.

… Qui jamais fut plus poète que l’auteur de la Légende des siècles, du groupe des Idylles, de l’Art d’être grand-père, œuvres plus récentes et qui n’ont pas diminué les œuvres plus anciennes, les Orientales, les Feuilles d’automne, etc., qui ne vieilliront jamais ? Le Théâtre en liberté contient ou plutôt résume toutes ses qualités. Ce que j’y trouve, c’est une étonnante placidité de philosophie. Le grand poète fait, pour ainsi dire, l’école buissonnière et se lance dans la fantaisie. S’il était possible de comparer ce livre à quelque chose dans l’œuvre précédente, je le rapprocherais volontiers des Chansons des rues et des bois. C’est la même légèreté musicale et les mêmes extraordinaires variations. Je ne pense pas qu’il soit possible de trouver, nulle part, dans n’importe quelle langue, une pareille richesse de langage. Elle est inépuisable dans ce livre où, pour exprimer souvent les mêmes sentiments, l’artiste incomparable sait inventer des thèmes différents.


Le Rappel.
Louis Ulbach.

… Victor Hugo a bu la gloire dans la coupe la plus grande que l’admiration puisse tendre au génie. Vivant, il a passé la revue du cortège enthousiaste qui devait conduire son cercueil de l’Arc de Triomphe au Panthéon. On dirait aujourd’hui qu’il remercie la postérité, et que, du fond de cette retraite où il paraît se recueillir plutôt que dormir, il continue à faire la preuve de son génie et à justifier l’acclamation universelle, soin superflu, mais prodigalité naturelle.

… Le Théâtre en liberté pourrait s’appeler le Génie en liberté.

Victor Hugo, qui a passé par l’initiation classique, s’est affranchi vite des traditions routinières, mais, pour rester accessible aux spectateurs de la routine, il a dû faire des sacrifices. Dans la solitude, en plein air, en plein ciel, il donne à ses ailes toute leur envergure, et on voit combien, en restant compréhensible pour les plus entêtés de vraisemblance, il pousse loin et haut la hardiesse de la fantaisie. J’espère qu’il arrivera une occasion de tenter, avec de légères coupures, la représentation de quelques-unes des scènes de ce livre. Victor Hugo, dans une note qui devait être un commencement de préface, émet l’avis que la Grand’mère seule pourrait être représentée sur des tréteaux contemporains.

Je crois que le maître faisait trop de concessions, et que Mangeront-ils ? serait un spectacle attrayant en même temps qu’un spectacle sévère. La mort de la sorcière ferait applaudir des vers sublimes et toutes les manœuvres d’Aïrolo réveilleraient, en les poussant jus-