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L’ÉPÉE.

Des trompettes, un tas de tambours, des vacarmes,
Puis des prêtres, et puis des files de gendarmes.
C’est beau. La foule admire, et l’on ne bouge point.
Il suffit d’un soldat, casque au front, lance au poing,
Pour tenir en respect tout un peuple.

LE MONTAGNARD.

Pour tenir en respect tout un peuple. Sans armes.
Comme nous.

LE CHANTERRE.

Comme nous. On secoue, ainsi qu’un jour d’alarmes,
La grosse cloche en branle, et l’on pavoise. On met
À la tour un drapeau comme au reître un plumet.
Dès que le duc s’installe au château, sa bannière
Est plantée au plus haut du donjon, de manière
Que tout passant la voie, attendu que la voir,
Et puis la saluer, c’est le premier devoir.

Il salue.

Quiconque passerait, fût-ce avec ignorance,
Sans faire à l’étendard ducal la révérence,
S’en repentirait.

Il salue de nouveau.
LE VIEILLARD.

S’en repentirait. Dieu sur les grands met son doigt.
Nul n’a droit d’ignorer le respect qu’on leur doit.

LE CHANTERRE.

C’est un très grand bonheur qu’en revenant de Vienne
Et de Rome, le duc notre roi se souvienne
Que nous sommes son peuple et daigne enfin nous voir.

LE VIEILLARD.

La puissance, c’est Dieu ; le roi, c’est le pouvoir.
Gloire aux rois !

LE CHANTERRE, prêtant l’oreille.

Gloire aux rois ! Écoutez. Des cris, une volée
De cloches. Monseigneur entre dans la vallée.

On entend un bruit de cloches au loin et une rumeur.